mardi 13 avril 2021

Dans la tête de ma psy et comment choisir le sien, Dr Sylvie Wieviorka

 


                             Médecine - psychiatrie - psychothérapie     

Plus d'infos, sur Babelio ICI


   « De quelque manière qu'on s'y prenne on s'y prend toujours mal » (Sigmund Freud)


L'ouvrage du médecin psychiatre Sylvie Wieviorka - HumenSciences, 2021(1) - n'est pas un traité de psychiatrie ni de psychanalyse. Pour autant, l'auteur ne s'abandonne jamais à la vulgarisation. S'obligeant à une définition simple et modeste - « la psychothérapie s'adresse à des personnes qui souffrent » - l'auteur écrit simultanément un récit et un essai, intelligent et intelligible, signé d'une longue expérience. Il interpelle prioritairement ceux qui, déjà affaiblis par des souffrances psychiques, seraient désireux de consulter, mais doutent de la pertinence et des conditions d'une démarche difficile, souvent perçue comme un espoir vain. Sylvie Wieviorka donne des informations et des conseils appropriés, illustrés de cas concrets et de dialogues rapportés, afin de réfuter aprioris et préjugés.

mardi 23 février 2021

Le misanthrope, Molière

 

                                                        Théâtre classique


Tout homme qui a quarante ans n'est pas misanthrope n'a jamais aimé les hommes (Nicolas de Chamfort).

Le défenseur des droits proposait des lieux sans contrôles policiers, afin de ne pas "discriminer" une minorité de résidents de cités - une autre façon de créer des zones de non- droit.

Le même jour, France Culture saluait l'initiative d'un "centre de théâtre" invitant des jeunes"auteurs" à réécrire cinq pièces de Molière "afin de le rendre plus accessible" et de le "désacraliser".

Quel lien ? Une tragi-comédie !

" J'entre en une humeur noire, et un chagrin profond,
Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font ;
Je ne trouve partout que lâche flatterie,
Qu'injustice, intérêt, trahison, fourberie ;
Je n'y puis plus tenir, j'enrage, et mon dessein
Est de rompre en visière à tout le genre humain".

Le Misanthrope, (I, 1, v. 89-94)

Bonne lecture.

Michel BLAISE ©

mercredi 17 février 2021

Le puits du fou, Joffrey Sinet (Lien vers Babelio)

 

                  

                                             Policier - Thriller psychologique

 « Il est préférable de guérir l’offense plutôt que de la venger. La vengeance prend beaucoup de temps, elle expose à bien des offenses ». (Sénèque)


Marc olivier Novak (Marco), le narrateur, ne vit que pour une atroce obsession, un projet effroyable et cynique - venger la mort de son fils. Robin était âgé de cinq ans lorsqu’il fut renversé par Frans Van Hagen, un chauffard en état d’ivresse qui prit la fuite après l’accident.

Le mariage et les relations sociales de Marco n’ont pas survécu au drame.

Frans est condamné à quinze ans d’emprisonnement. C’est insignifiant pour « ce fils de chien…. Quinze ans de taule pour avoir buté mon gosse…, et fauché trois vies… Que sont quinze ans de gnouf ? Une mascarade ! » (P.50).

Aussi, lorsque Frans est libéré, Marco met en œuvre une folle, démoniaque, et machiavélique entreprise de vengeance réfléchie et minutieusement préparée, durant quinze ans, à l’intention de « l’assassin » de son fils.

Joffrey Sinet est un écrivain publié en autoédition. Il enseigne le français et l’histoire en lycée professionnel. Épris de littérature, passionné plus particulièrement par les auteurs de romans policiers et de thrillers, « Le puits du fou » et son troisième ouvrage. (1)

Lorsque Joffrey Sinet choisit un narrateur interne pour relater son récit méphistophélique - en l’occurrence Marco, le personnage principal -, une plus-value est conférée conséquemment à son roman par l’amplification des émotions et l’identification du lecteur à celles-ci. Il serait faux de nier que c’est exactement ce à quoi aspire tout lecteur de romans - la décentration - ce mécanisme psychologique permettant d’oublier sa propre situation pour s’installer dans celle de quelqu’un d’autre, exprimée par : « je lis pour m’évader ».

Ainsi entendu, « Le puits du fou » est l’assurance d’une évasion et la promesse de suspense, d’horreurs, de malheurs et de sueurs froides.

Cela dit, le récit de Joffrey Sinet est-il strictement une fiction ? L’auteur et le narrateur ne se retrouvent-ils pas, à un instant du récit - la mort d’un enfant -, dans la réalité, quand d’autres situations ne seraient que fantasmées – comme l’exécution de la vengeance ? Certains propos de l’auteur, au chapitre des remerciements, permettent cette question qui n’est pas inutile eu égard à la nature de l’intrigue, de son intérêt et de sa portée également.

C’est pourquoi, « Le puits du fou » se place bien au-delà des polars ou des thrillers. Pour ces derniers, le caractère chimérique est assimilé par le lecteur qui, tout en frissonnant, sait qu’il se trouve « en territoire de fiction ». Alors, tous les bénéfices sont concentrés : divertissement - au sens pascalien - et frissons. La lecture du livre de Joffrey Sinet peut, de ce point de vue, se révéler moins confortable.

Pour autant, l’ensemble - une écriture irréprochable, des propos, des raisonnements, et des dialogues exquis, intelligents, jubilatoires, justes et saisissants de réalisme – offre de merveilleux et remarquables moments de lecture.

Je recommande vivement.

Bonne lecture.

Michel BLAISE ©


1 – Joffrey Sinet a également publié :
Prête-moi ta mort, 26 août 2020 – ISBN - 979-8679401020
Intrication, 8 avril 2020 – ISBN - 978-2957199518

jeudi 4 février 2021

Cent ans de Laurelfield, Rebecca Makkai (Lien vers Babelio)


                                    Littérature américaine - saga familiale


« Nous ne discutons pas la famille. Quand la famille se défait, la maison tombe en ruine » (Antonio de Salazar)

Dans l'atavique demeure de « Laurelfield », dans l'Illinois près de Chicago, l'aïeule centenaire, Violet Saville Devohr, qui jadis s'y serait suicidée, hante les lieux. Elle observe depuis son portrait suspendu au mur de la salle à manger, ses descendants et les résidents qui vont et viennent.

Sur le mode des poupées gigognes et empruntant un chemin à rebours, l'auteur écrit une saga familiale impertinente et audacieuse.

1999. le 31 décembre, veille du passage au deuxième millénaire, sont présents : Zee, enseignante universitaire, marxiste, qui dédaigne la fortune de ses parents, tout en profitant de celle-ci en habitant le domaine familial avec son mari, Doug, doctorant ès Lettres, ainsi que sa mère, Grace, aussi étrange que mystérieuse - dissimule-t-elle un abominable secret ? -, et son beau-père, Bruce, obsédé à faire des provisions pour prévenir la catastrophe annoncée du passage à l'an 2000.

1955. Grace et son mari, George - alcoolique et violent -, emménagent à « Laurelfield ». Mais Grace perçoit des indices dont elle est persuadée qu'ils augurent de mauvais présages dont certains sont comme surréels. Désormais, sa situation se trouve sens dessus dessous. Néanmoins, et fort heureusement, Grace s'agrippe à Max, le majordome. Mais celui-ci est également perclus de mystères se traduisant pour Grace par l'incapacité de celle-ci à découvrir qui est réellement la jeune Amy, la prétendue nièce de Max.

1929. « Laurelfield » est une colonie d'artistes accueillant le « gratin » de la création artistique de l'entre-deux-guerres, une communauté esthète et libertine.

« Cent ans de Laurelfield » (Les Escales, janvier 2021) est le troisième roman traduit en français de Rebecca Makkai (Lake Forest - Chicago, Illinois) après « Chapardeuse » (Gallimard, 2012) et « Les Optimistes » (Les Escales, janvier 2020).

Si l'on osait une comparaison artistique entre la littérature et l'opéra, on pourrait dire que le roman « Cent ans de Laurelfield », par opposition à un récit plus conventionnel, rappellerait l'une des traditionnelles altérités de l'art lyrique. Quand le « Bel canto » de Verdi commence par une ouverture qui expose, en quelques mouvements, l'intégralité et l'ampleur des passions en sursis, l'opéra Wagnérien joue de ressorts spéculatifs. Avec circonspection et toutes proportions gardées, l'on peut dire que Rebecca Makkai, dans « Cent ans de Laurelfield », déploie un récit aux allures wagnériennes par l'usage de thèmes étroitement imbriqués au sein d'intrigues, entremêlées les unes aux autres, parfois relevant de la magie, voire du mythe. de même, l'on retrouve des fondamentaux - leitmotivs et fils conducteurs - au soutien de la composition du récit exhaussé suivant une construction antéchronologique - de 1999 à 1900, en s'achevant par un prologue – où, à chaque instant, Rebecca Makkai révèle des messages au lecteur :

« Tout ce fichu siècle aurait eu bien plus de sens s'il s'était déroulé à rebours» (P. 154).

C'est un point essentiel qui traduit le coup de maître réalisé par l'auteur dans ce roman d'une intelligence outrageante. Mais que l'on ne s'y méprenne pas, pas de providence, ni Dieux ni Déesses sur la propriété de « Laurelfield », mais des intrigues et des personnages, de chair et de sang, empreints de points de vue contraires et opposés, magistralement mis en scène, qui demeurent et se meuvent, mais tous dans la filiation de générations successives.

Rebecca Makkai n'est pas avare d'intrigues et de contradictions dont« Laurelfield » est un modèle de creuset. Zee, universitaire marxiste, aux liens familiaux contrariés, accepte, toutefois, d'emménager dans la remise de la propriété avec son mari, Doug, astreint à rédiger, pour l'université, une monographie sur un mystérieux poète, Edwin Parfitt. Peu inspiré, il écrit en secret des romans pour jeunes filles. À la demande de Grace, les époux doivent partager cet espace avec le demi-frère de Zee, Case, et sa femme, Miriam, une artiste fantasque. Mais l'équilibre du couple formé par Zee et Doug semble être remis en question depuis l'arrivée des deux autres. Également, Amy, une jeune fille moquée pour son physique, qui est présentée par Max comme sa prétendue nièce, sème le trouble.

Les personnages du roman, qui évoluent au sein de conflits permanents, présentent tous les caractères pour s'y attacher ou les détester. Leurs défauts, leurs contradictions et leurs évolutions – à ce dernier égard, il est prudent de se méfier des apparences, les bons ne sont pas toujours ceux auxquels nous pensons. Mais, tous concourent à faire de cette fiction un excellent roman.

Quelques réserves cependant :

En premier lieu, sur ces deux derniers points – intrigues et personnages -, on ne saisit pas toujours, et pour tous, ce qu'ils deviennent au fil de la lecture et, plus particulièrement, dans la deuxième et la troisième partie du roman. Aussi, une seconde lecture - voire une deuxième - peut s'avérer nécessaire pour bien comprendre, le cas échéant, ce que sont devenus certains personnages et le sens de certaines situations (Zee et Max par exemple). Mais, tout compte fait, Rebecca Makkai n'écrit pas un roman sur ce qui va arriver, mais sur le passé révolu et le pourquoi de celui-ci que seul le lecteur peut saisir en fin de roman.

Ainsi, comme l'on sait, dans les années 20, « Laurelfield » était une colonie accueillant des artistes - dont Edwin Parfitt. Doug est persuadé que le grenier contient des archives et documents précieux pour son travail. Il s'affranchit, alors, de l'interdiction, très énigmatique de sa belle-mère, Grace, que seul le lecteur comprendra, mais plus tard, tout comme tant d'autres mystères et intrigues.

De même, mais ce point n'est pas en lien avec l'apparente tortuosité du roman particulièrement bien conduit, il faut lire une centaine de pages pour ne pas abandonner la lecture en cours de route. Si celles-ci ne sont pas outrageusement ennuyeuses, elles ne sont pas d'emblée passionnantes en raison, précisément, de la structure du roman et du fait que l'on ne sait pas très bien ce qu'il en est et où l'on va. Mais tout vient à point à qui sait attendre…

En bref, si le livre demande une lecture un minimum soutenue, il est extrêmement riche, intelligent et passionnant et, paradoxalement, léger et drôle sur fond de comédie, voire de satire historique, de spectres et apparitions, agrémenté d'humour à caractère sexuel, mais toujours spirituel.

Je conseille très vivement la lecture de ce roman.

Bonne lecture.


Michel BLAISE ® 4 février 2021

dimanche 8 novembre 2020

L' anomalie, Hervé Le Tellier

 

                                           

                                                  Littérature Française


L'anomalie d'Hervé le Tellier demeure, à ce jour, l'un des quatre derniers romans retenus pour le Goncourt 2020. Et ce serait justice qu'il décroche le Graal afin de poursuivre sa sainte quête littéraire.

Il est inutile de rappeler, en liminaire, un résumé du roman tant le récit est aujourd'hui connu.

Sans restriction, le roman de Le Tellier est un chef-d’œuvre - une fiction, et non de la science-fiction ou de la fantasy ; un roman philosophique, inspiré de l'existentialisme sartrien (« l'existence précède l'essence »), de Nietzsche (« l'éternel retour ») et même d'Emmanuel Kant (agis selon ce qui, selon toi, devrait être érigé en maxime universelle) - qui interroge notre rapport à nous-même dans un monde en perpétuelle attente de la caution d'autrui, de « likes » sur les réseaux sociaux ; un monde dans lequel nous sommes devenus incapables de procéder à toute introspection.

L'anomalie se lit aisément pour rassurer ceux qui viennent de lire ce qui précède ; il est d'une intelligence remarquable ; d'une originalité désarmante.

Mais, le jour où vous prendrez un avion pour New-York, ou pour n'importe où d'ailleurs, assurez-vous que ce passager du siège numéro X est bien vous-même, et non « une simulation » ou vôtre double qui attend, quelque part à l'autre bout du monde, pour vous confronter à vos peurs, à vos angoisses, à vos failles, à vos faiblesses, à vos petitesses, à votre part obscure….

Une réflexion sur l'origine de la vie, son sens et son objectif (final ?) ?


Michel BLAISE ©

lundi 19 octobre 2020

La déconnexion, Éric L'Helgoualc'h


                                    Autofiction - Littérature française




                          Présentation du livre par l'éditeur


Elias Naccache, le très célèbre homme d'affaires franco-libanais dans le domaine des nouvelles technologies de l'information, a bâti sa fortune en rétrocédant opportunément sa première start-up juste avant l'explosion de la bulle spéculative d'Internet du mois de mars 2000. Quelques années plus tard, il renonce à tout, puis part pour la Syrie combattre Daech aux côtés des Chrétiens d'Orient lorsque, à la fin de l'année 2017, la presse révèle sa soudaine et mystérieuse disparition à Raqqa.

Le retentissement médiatique de l'affaire conduit un célèbre magazine, qualifié pour investiguer sur les « splendeurs et gloires déchues » du monde du spectacle, de la politique, de la mode, ou de l'actualité (Vanity Fair), à solliciter d'un écrivain la rédaction de la biographie de Naccache. L'auteur était connu pour ses chroniques sur France Inter. En outre, les deux hommes étaient amis d'enfance, écoliers en province, puis adultes à Paris, jusqu'à leur brouille, peu de temps avant le départ d'Elias qui manifestait des opinions politiques extrémistes de droite et identitaires.

Pour ce faire, le journaliste convoque ses souvenirs de lycéen en Pays de Loire, puis d'adulte à Paris ; il entend les témoins - amis épouse et maitresses, qui ont rythmé et influencé la vie de son ami.

Au début de l'année 2018, il entreprend l'écriture d'un ouvrage :

« Ce livre est le fruit d'un éclairage nouveau, tout en explorant certains aspects de la vie d'Elias qui m'avaient largement échappé. Ce récit peut être vu comme la version augmentée d'un programme défaillant. Je m'y suis autorisé un ton plus personnel ». (P.8).

Ce livre s'intitule « La déconnexion ». L'on comprend immédiatement la singularité du « roman » d'Éric L'Helgoualc'h qui prend la forme d'un récit dans le récit, d'une histoire dans l'histoire. L'auteur du livre, (le chroniqueur de Vanity Fair dans le « roman » d'Éric L'Helgoualc'h), n'est autre que le narrateur choisi par L'Helgoualc'h lui-même dans son propre roman.

Éric L'Helgoualc'h donne ainsi le ton et utilise intelligemment les modèles de la narration en provoquant volontairement une confusion entre l'auteur et le narrateur, entre la réalité et la fiction. Mais n'allons pas trop vite, nous reviendrons sur ce point essentiel du récit…

La « Déconnexion » est le premier « roman » publié par Éric L'Helgoualc'h aux Édition du faubourg. Sa critique n'est pas aisée, pour autant que l'on veuille être objectif. Et pour faire litière de chicanes ou controverses, celle-là aurait pu se limiter à : « Un récit intelligent soutenu par une expression linguistiquement remarquable, mais effroyablement manichéen et intellectuellement malhonnête en considérant que l'auteur, bien au fait de son sujet, fait preuve d'une parfaite mauvaise foi. ».

Un chouia sommaire…

En premier lieu, « La Déconnexion » est un roman très plaisant à lire et très bien écrit. Quand bien même l'intrigue peut, au premier abord, paraitre convenue - impression vite dissipée au deuxième - on ne s'ennuie pas un instant. le récit n'est pas, cependant, un polar ou un thriller comme certains commentaires ont pu le laisser entendre. le narrateur ne part pas «physiquement » à la recherche d'Elias Naccache et la question de son retour ou de sa disparition définitive ne semble pas essentielle à l'auteur. Les inconditionnels du suspense se délecteront cependant du dernier chapitre.

L'intrigue, infiniment plus subtile, concerne la perspective psychologique de la métamorphose d'Élias Naccache l'ayant poussé à se « déconnecter », à renoncer à la prospérité, à se radicaliser à l'extrême droite et à fuir combattre Daech en Syrie. La psychologie est omniprésente dans le roman autant dans l'analyse de la situation que dans celle des personnages du narrateur que d'Élias Naccache.

mercredi 7 octobre 2020

Là d'où je viens a disparu, Guillaume poix


                                            Littérature française  


"Là d'où je viens a disparu" de Guillaume Poix, éditions Verticales, est, à mon sens, l'un des meilleurs romans, avec "L'anomalie d'Hervé le Tellier et "Avant les Diamants" de Dominique Maisons, de la rentrée de l'automne 2020.


En 2017, Samuel, jeune congolais âgé de six ans, et sa mère Véronique se noient à la suite du naufrage du bateau chargé de leur faire traverser la Méditerranée au départ de l'Espagne à destination du Maroc. Quelles douleurs se cachent-elles dans ce roman ?


"On pourrait déployer toute une fiction autour des faits sèchement énoncés, imaginer les voyages et les péripéties, tracer les destins, combler les trous..." (P.188). Hélène, personnage du roman, est la démonstration profonde de la quintessence de l'œuvre essentielle de Guillaume Poix. Les textes de Poix, romans, pièces..., sont toujours un terrain propice à une remise en cause Politique et inconfortable de notre monde inquiétant et menaçant et son propos s'accorde systématiquement et intelligemment à l'évidence.

Michel BLAISE ©


Chavirer, Lola Lafon


                                            Littérature française

La structuration du roman de Lola Lafon, "Chavirer", (Acte Sud) est très désordonnée, susceptible de ruiner l'intérêt du roman. Par ailleurs, le thème abordé, essentiel évidemment, ne me parait plus - je dis bien plus compte tenu de pléthore d'écrits dans ce domaine - adapté au roman. le récit ou le témoignage sont plus appropriés.
Car, au fond, le roman, qui permet tout, banalise, par définition, un sujet aussi grave. Je n'ai donc pas été convaincu pour, essentiellement, ces défauts majeurs par le roman de Lola Lafon, du lu et relu à l'envi en ce moment.

Michel BLAISE ©

Les évasions particulières, Véronique Olmi


                                        Littérature française

Le roman de Véronique Olmi, Les évasions particulières, Albin Michel, présente incontestablement de nombreuses qualités. La "première partie" est très intéressante. Le fait qu'il s'agisse d'un récit sur une époque déterminée n'est pas un handicap, bien au contraire, surtout lorsque celle-ci est particulièrement et méticuleusement approfondie. Mais au fur et à mesure de la lecture, la promesse de départ n'est pas tenue : l'orientation historique crée de nombreuses confusions et approximations certainement en raison d'un défaut d'architecture du récit, articulée tel un catalogue - de personnages en personnages, d'histoires en histoires - sans aucune perspective intéressante et approfondie quant aux personnalités ou évènements. Le récit manque en matière de travail des protagonistes essentiellement.

Michel BLAISE ©

Fille, Camille Laurens

                                                Littérature française

Le livre de Camille Laurens, "Fille", Gallimard, est, à mon sens, l'échec de la rentrée littéraire 2020. Il ne s'agit pas d'un roman, mais d'une succession et d'enchaînements de "souvenirs" - est-ce d'ailleurs, au fond, un roman, une autofiction (?) dans lequel, je ne suis pas sûr que beaucoup de jeunes filles d'alors se soient reconnues. C'est un peu agaçant ces écrits, baptisés romans qui tendent à raconter la vie de l'auteur afin de régler ses comptes avec la vie. Le livre est uniquement concentré sur la personne de son auteur animé d'un égo démesuré et agace rapidement avec, bien entendu, l'éternelle tarte à la crème des différence de traitement entre les petites filles et les petits garçons. Est-ce productif pour un roman  ? Je ne le pense pas.

Michel BLAISE ©                                  

jeudi 17 septembre 2020

Dix petits nègres, Agatha Christie




                                                           

                                                           Whodunit - Policier


Dix petits nègres "débaptisés".

Agatha,

Au fond, cette décision ne t’aurait pas choqué. Toi, qui, aussi bien dans ta vie personnelle que d’écrivain, n’as cessé de tricher. D’abord avec les codes du roman d’enquête : "le meurtre de Roger Ackroyd", le coupable ne doit jamais être le narrateur ; « le crime de l’Orient express " : on ne doit jamais, dans un whodunit, mettre en scène plusieurs coupables (ici, en l’occurrence, ils le sont tous) ; de même que les domestiques ne sont jamais des assassins, alors que souvent tu as usé et abusé du procédé.

Bref, chère Agatha, il semblerait... que ton arrière-petit-fils aurait autorisé, sans pression..., la modification du titre de ton roman, "Dix petits nègres ". Eh oui, on récolte toujours ce que l’on sème, même au fin fond de l’éternité.

L’hypocrisie et la malice, que tu as toujours fort bien mises en scène, notamment un jour lorsque mystérieusement et lâchement tu disparus, te rendent visite par-delà les morts.

Mais tu étais une femme libre, Agatha.

À ces traits, ajoutés à la trahison du whodunit par la violation de ses codes les plus élémentaires, que reste-t-il de toi ? : ton livre, peut-être le plus populaire, travesti par des ayatollahs de la pensée – « couvrez ce sein que je ne saurais voir » -, au profil de ceux, lobotomisés, qui, déjà depuis longtemps, ne savent plus penser et réfléchir !

Au fond, je dois les remercier, Agatha. Je réfléchissais au un titre de mon roman à paraître dans quelque temps. Le voici : « Dix petits nègres  » Celui-ci n’est-il pas libre, désormais ? Et de mon vivant, nul ne le débaptisera.

C’est une chronique quelque peu funèbre, Agatha. Certes. Mais avec la dépouille des soldats de l’an II, ceux de la résistance, de Colbert, de Jean Jaurès, de Picasso ou de Stefan Zweig et de tant d’autres - hommes et femmes politiques, résistants, poètes ou écrivains, mais tous épris de liberté -, je te souhaite de reposer en paix, Agatha.

Michel BLAISE ©


NB : Tous ceux qui agissent ainsi, qui agitent le spectre du racisme - que je n'ignore pas - sans en connaitre le sens exact sont les artisans d'un mouvement hygiéniste et indigéniste, mais qui sont racialistes eux-mêmes qui, malheureusement, excitent les masses incultes Parce que, dans ces conditions, c'est toute la littérature mondiale, pour ne citer que cet art et, plus particulièrement, la littérature française, qu'il faut réécrire : que penser de Flaubert qui, dans madame Bovary, emploi à l'envi le mot "nègre" et qui fait dire au personnage de" Lleureux" " Nous ne sommes pas des juifs".??.. Ces gens sont incapables de replacer les choses dans leur contexte parce qu'ils ne connaissent rien.

De bonnes raisons de mourir, Morgan Audic



Policier - Thriller

                            Voir la critique de Kirzy sur Babelio


 

Voici bien plus qu'un formidable polar.


La région de Tchernobyl, trente ans après l'effroyable catastrophe du 26 avril 1986, est devenue une attraction pittoresque. À Pripiat - ville à jamais désertée, toute proche du fatal réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire - sous le regard épouvanté de tout un bus bondé de touristes baltes et occidentaux, l'inspecteur Joseph Melnyk et sa partenaire, Galina Novak, fraiche émoulue de l'école de police, décrochent le corps d'un homme suspendu à la façade d'immeuble. Dans le bâtiment, Melnyk découvre de nombreux oiseaux récemment empaillés. La victime, Léonid Sokolov, est le fils d'un ancien ministre ukrainien des années 1980. Ce dernier, richissime et exilé en Russie, a une confiance limitée dans la police de Kiev. Aussi, il s'approprie, à grand renfort de dollars, les services l'inspecteur de police moscovite, Alexandre Rybalko, afin qu'il trouve l'assassin de son fils. C'est donc parallèlement que les deux policiers vont enquêter sur cette terre dévastée et d'exclusion de Tchernobyl sur laquelle tout est interdit et « permis », en même temps : pillages, trafics ou violences en tout genre.

Ce polar est absolument génial. D'abord, deux hommes très différents, aussi bien par leur histoire que par leurs motivations, mais également fascinants, attachants et intenses. Mais surtout parce que cette « chasse » en terrain défendu est fascinante et saisissante de réalisme, je vous jure que c'est la pure réalité : la zone d'exclusion et ses habitants clandestins, l'affolement perpétuel des compteurs Geiger, le pillage des habitations abandonnées, le trafic du matériel irradié, des poupées d'enfant désarticulées que l'on trouve encore sur le bitume, des chiens errants, dont on se demande ce qui leur reste de domestique et si l'on ajoute à tout ça un tueur cinglé et empailleur, l'on obtient « de bonnes raisons de mourir » de Morgan Audic (Albin Michel,2019).

 

         Michel BLAISE ©

        

          


 

vendredi 3 juillet 2020

La patiente, Jean-Philippe Mégnin


Intrigue psychologique - homosexualité


« C'est dès le premier échange de regards que je compris que ce ne serait pas une patiente ordinaire… ». C'est ainsi que débute le roman de Jean-Philippe Mégnin, « la patiente ».


Lorsque Vincent, gynécologue, introduit une patiente habituelle dans son cabinet, il remarque, dans la salle d'attente, la présence d'une femme, totalement inconnue, sans aucune expression sur le visage, attendant patiemment son tour.


À cet instant, Vincent comprend que la consultation suivante ne sera pas comme les autres et que, sans nul doute, sa vie est sur le point de basculer. Il est saisi d'un sentiment inexprimable, d'un mauvais pressentiment ; durant, toute la consultation qui précède, il est transi de peur.
Son instinct était juste ; la séance ne fut pas ordinaire avec La Patiente, Camille.


À la fin de la visite, avant de quitter le cabinet, Camille se retourne et pose cette seule question à Vincent :

« Gynécologue, c'est un choix professionnel un peu étrange, pour un homosexuel, non ?


Lors de sa parution en 2010, aux éditions le Dilettante, le livre de Jean-Philippe Mégnin « la patiente » fut brièvement mentionné par François Busnel sans La Grande Librairie. C'est un petit ouvrage de 157 pages, mais débordant de qualité - l'écriture, naturellement -, distrayant par son intrigue - quoiqu'il ne soit pas question un instant de roman policier – et très riche d'enseignements socio-psychologiques.


Il n'appartient pas au genre de la nouvelle ; il s'agit d'un roman. Toute comparaison gardée évidemment, on est frappé par l'ambiance, contemporaine, propre aux meilleurs nouvellistes à l'image, par exemple, de Guy de Maupassant, par la volonté d'une mise en perspective, dans un récit simple et concis, de tout un univers sociologique, psychologique ou encore géographique. Jean-Philippe Mégnin est saisissant d'esprit d'observation et d'analyse.


À travers une intrigue psychologique finement menée, l'auteur aborde divers sujets tels que l'Amour, la fidélité, la famille, la culpabilité. Mais ce qui est remarquable et que l'on retient en définitive au-delà de l'anecdote, c'est, peut-être, celui du sens de la vie et, plus particulièrement, de nos actes. de la propension de l'Homme à se comporter bien ou mal, étudiée par les plus grands philosophes (KantNietzsche, notamment), de considérer l'amour comme un acte altruiste ou égoïste par essence.


Il s'agit d'une vaste question que soulève l'auteur dans ce roman, celle de l'Amour : l'Amour désintéressé ou bien égoïste à l'instar de Narcisse qui vit son reflet dans l'eau d'une source et tomba amoureux de sa propre image et se suicida par suite de cette révélation ?


Est-ce à dire que Camille est condamnée à se suicider ? Il est difficile de répondre ici à cette question car d'autres sont abordées dans le roman dont je conseille vivement la lecture. Il offre une réflexion très intéressante sur bien des interrogations.


Bonne lecture.

Michel.

jeudi 11 juin 2020

L'intelligence collective, Joseph Henrich






« C'est la culture qui nous rend intelligents » (Joseph Henrich)

Ils sont innombrables les ouvrages sur l'intelligence humaine comparée à celle de l'animal (l'éthologie). Mais rares sont les auteurs, comme Joseph Henrich qui a compris et démontre magistralement que ce n'est pas parce que « l'Homme est un animal raisonnable » (Aristote) qu'il dispose de tous les outils, méthodes ou savoir-faire. C'est parce qu'il a culturellement développé un large répertoire d'outils, de concepts, de savoir-faire et de méthodes qu'il est intelligent.

C'est, au fond, la culture qui le rend intelligent. Celle-ci s'accumule au fil des générations et, au bout du processus, on finit par envoyer une fusée sur la Lune.

Henrich, qui dirige le département de biologie évolutive humaine de l'université Harvard, illustre son propos de façon très convaincante.

« Les racines de manioc contiennent du cyanure. Or, dans les Amériques, des sociétés qui s'en nourrissent depuis des millénaires, elles ne présentent aucun cas d'intoxication. Pourquoi ? Parce qu'elles ont mis au point des techniques complexes de transformation, comportant des étapes nombreuses et qui peuvent paraitre fastidieuses … Une fois isolé, ce liquide est mis à bouillir et transformé en boisson ; les fibres et l'amidon sont mis de côté pendant deux jours supplémentaires … Un individu peut être tenté de simplifier cette longue procédure et se contenter, par exemple, de faire bouillir le manioc. Or si cela réduit l'amertume et empêche les symptômes aigus, cela n'élimine pas suffisamment le cyanure et on s'expose à une intoxication chronique. Souvent, la plupart voire la totalité des individus qui manifestent un grand savoir-faire dans l'application de ces pratiques adaptatives ne savent ni comment ni pourquoi elles fonctionnent.
Cette opacité causale de nombreuses adaptations culturelles a des effets très importants sur notre psychologie : nous sommes programmés pour avoir foi dans le savoir qu'on nous transmet. »

Ainsi, la prochaine fois que vous direz « ok gogole » (Google, pour les puristes) à votre smartphone, pensez à Joseph Henrich et à ses travaux.

Je conseille l'excellente interview de l'auteur dans le magazine « Books », juin 2020 n°108.

Bonne lecture,


Miche BLAISE ©