Affichage des articles dont le libellé est Littérature américaine. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Littérature américaine. Afficher tous les articles

lundi 29 novembre 2021

True story, Kate Reed Petty

 

               

                                                 Littérature Américaine


« Tout observateur du genre humain sait combien il est difficile de raconter une expérience de telle sorte qu'aucun jugement n'interfère dans la narration » (Georg Christoph Lichtenberg)

Alice termine sa scolarité secondaire dans un lycée privé américain. Non loin de là, les élèves de l'établissement public, aspirant au championnat de la crosse (1) passent le plus clair de leur temps à organiser fêtes, beuveries, sauteries et dragues grossières.

Un soir deux adolescents sont accusés, au bruit d'une folle rumeur à laquelle ils ne sont pas étrangers, d'avoir abusé d'Alice au moment de la ramener, ivre, à son domicile.

Alice, depuis qu'elle est au collège, s'essaye, avec son amie Haley, à l'écriture de scenarii cinématographiques. Elle ne cessera, sa vie durant, marqué par cet évènement qui se serait produit, ou pas, de rechercher la vérité.

Il s'ensuit une quête permanente de celle-ci narrée aussi bien par la victime ainsi que d'autres protagonistes du roman, témoins directs ou indirects., sans que l'on sache, pas même la présumée victime, si l'évènement – le viol -, qui va marquer les personnages du récit, a eu lieu ou non.

Il conviendra d'attendre la toute dernière page pour comprendre la subtilité et l'originalité de l'ouvrage de Kate Reed Petty.

True Story, (Gallmeiter, 2021) dont le titre n'a pas été traduit, lors de sa parution en France, est le premier roman de Kate Red Petty.

Elle court, elle court la rumeur… Pour rendre compte de celle-ci, l'auteur utilise deux procédés audacieux, empreint d'un brin de folie, mais qui fonctionnent à merveille à raison de la quasi-totalité, et de la singularité et du machiavélisme à souhait de l'intrigue. Ces procédés littéraires renforcent, sans aucun doute, la qualité exceptionnelle de cette première fiction.

La première technique littéraire – il serait inopportun de la divulguer, même si l'on comprend assez vite. La seconde est qu'il s'agit d'un roman sous la forme de casse-tête, qui fait, cependant, l'économie de flash-backs, dont la compréhension se met petit à petit en place et qui contribue, au grand plaisir du lecteur, à une montée évidente de la tension et du suspense.

On ne peut d'ailleurs s'empêcher de faire le rapprochement entre la construction de cette histoire, sous forme de puzzle et la désorganisation qui règne dans l'esprit d'Alice que l'on retrouve à chaque stade de sa vie, qui mélange, tous azimuts, ses passions cinématographiques adolescentes avec ses lettres de motivation afin d'intégrer une prestigieuse université.

L'autre particularité de fond de ce roman semble être le rapport de l'auteur au féminisme. On peut lire, ici et là, qu'il s'agirait d'un roman féministe sans autre forme de commentaires. le roman mérite néanmoins un meilleur approfondissement qu'un simple raccourci facile.

À l'heure où aux États-Unis et dans une partie de l'Europe, sous l'influence de minorité de néo-féministes minoritaires, mais néanmoins radicales, le roman de Kate Reed Petty prend le contre-pied de ce mouvement littéraire au profit d'un féminisme classique et raisonnable où la femme est l'égale de l'homme, sans affirmer « préférer des femmes qui jettent des sorts à des hommes qui construisent des EPR » ou de ces écrits narcissiques, de plus en plus nombreux et mal écrits, qui narrent les violences subies, ou pas, de ces femmes en quête de reconnaissance.

C'est un roman qui tranche et condamne définitivement tous les poncifs, insipides et égotiques de nombreux auteurs, autofictions et récits actuels.

L'écriture est irréprochable, autant que la traduction par définition. Simple, mais pas niaise ou maladroite et empruntée, tout en étant rigoureuse. Les qualités narratives de l'auteur sont exceptionnelles, alternant les différents modes de narration et de focalisation qui subliment à la fois la qualité de l'écriture que le fond du récit et, plus particulièrement, la tension de celui-ci.

À titre d'exemple, fait exceptionnel, l'auteur, par l'intermédiaire d'Alice, utilise parfaitement, lorsqu'elle propose sa voix à ses prétendus agresseurs, la deuxième personne du singulier (le "tu" de narration interne).

En résumé, c'est un roman subtil, intelligent et addictif comme rarement il m'a été permis d'en lire ces derniers temps.

Kate Red Petty réussit un livre remarquable qui autorise d'en espérer l'écriture rapide d'un deuxième.

Michel BLAISE ©

1- La crosse est un sport collectif d'origine amérindienne où les joueurs se servent d'une crosse pour mettre une balle dans le but adverse… (Note du traducteur P. 27)

mercredi 8 septembre 2021

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes, Lionel Shriver

 

  

                                                Littérature américaine

      

« Quand la nudité rend au corps un culte pur, c'est la chair qui est humiliée ». (Eugenio d'Ors Y Rovira)


Un matin, à l'heure du petit déjeuner, Remington Alabaster, la soixantaine, ingénieur en génie civil, licencié de la mairie d'Albany - près de New York - par suite de propos racistes, déclare à son épouse, Serenata Terpsichore, son intention de courir un marathon. Serenata, âgée de soixante-années, juge ce projet semblable à celui du caprice d'un adolescent. Toujours est-il que cette lubie provoque une forte tension au sein du couple.


Durant plus de quarante ans, Serenata a couru, nagé, bondi, rebondi, avalé des kilomètres sur son vélo. Mais le temps faisant son œuvre, atteinte de douleurs aiguës aux genoux, Serenata a remplacé ses tenues de sport par une organisation d'entraînements quotidiens qu'elle accomplit scrupuleusement devant des émissions de téléréalité. Aigrie, désabusée, égoïste, misanthrope, systématiquement hostile à tout comportement grégaire - « Aujourd'hui, on tourne frénétiquement en rond, comme les tigres d'Helen Bannerman qui, à force de tourner, se transforment en flaque de beurre. Une civilisation jadis grandiose qui disparaît à l'intérieur de son cul. », - Serenata est irritée d'observer son époux, affublé d'un accoutrement criard et satiné, suivre le troupeau des coureurs du dimanche, très vite sous la houlette de « sa » très sexy coach Bambi.


La guerre est proclamée. ; le couple pourra-t-il résister à la crise face à ce bouleversement et au renversement des situations respectives. Au fond, la question posée par Lionel Shriver - avec pour prétexte le sport, la performance et le culte du corps -, est celle-ci : comment vieillir à deux, au sein du couple ?


Lionel Shriver – en vérité, Margaret Ann Shriver, – est née, en 1957 aux États-Unis (Caroline du Nord). C'est à l'âge de quinze ans qu'elle décide de masculiniser son prénom, convaincue que la vie des hommes est plus simple que celle des femmes. Diplômée de Columbia, Initialement professeur d'anglais (New York), elle pérégrinera ensuite à travers le monde : Nairobi, Bangkok, Belfast… avant de s'installer à Londres. Elle a écrit huit romans traduits en français et remporté plusieurs prix littéraires. : « Il faut qu'on parle de Kevin » (Belfond, 2006), « La Double Vie d'Irina » (Belfond, 2009), Double faute (Belfond, 2010), Tout ça pour quoi ? (Belfond, 2012), Big Brother (Belfond, 2014), La famille Mandible (Belfond, 2017), Propriétés privées (Belfond 2020). « Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes » est son huitième roman traduit en français. Elle vit actuellement entre Londres et New York avec son mari, jazzman renommé.


Une intrigue, des conflits, des décors, un paysage, des personnages habilement désignés (1) et des dialogues – car de même que les personnages font l'histoire, les dialogues font les personnages - constituent les fondements indispensables au succès d'un roman. Lorsque l'auteur y ajoute la finesse de l'analyse, les descriptions approfondies aux détails faussement inutiles, il peut espérer approcher la perfection, atteindre le chef-d’œuvre.


Ça, c'était Lionel Shriver jusqu'à la parution de « Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes », plus particulièrement dans son précédent livre de nouvelles, « Propriétés privées ».


Effectivement, plus brillant est l'auteur, plus grand est la déception après une lecture laborieuse de son récit. C'est l'envers du génie, la totale indulgence n'est accordée qu'aux moins talentueux. Si Lionel Shriver est habituellement remarquable, elle entame ses qualités dans son dernier roman. Celui-ci semble réunir l'ensemble de la critique lorsqu'elle « crie » au roman prodige. Mais un avis plus nuancé, voire radicalement opposé, peut être avancé. Et il ne s'agit pas de surjouer la critique négative en affirmant avoir éprouvé beaucoup de « souffrance » et d'ennui à la lecture de ce récit fastidieux.


Indubitablement, l'écriture de Lionel Shriver est, comme toujours, impeccable. Ses perceptions de la société et ses capacités à les écrire illustrent son intelligence et sa finesse d'esprit, plus particulièrement, lorsqu'elle dénonce, dans « Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes », les outrances des discours et des comportements politiquement corrects aux États-Unis, plus spécialement à l'égard des afro-américains. Le roman, à cet égard, ne manque pas de scènes décomplexées et truculentes.


Bien d'autres thèmes sont abordés avec beaucoup de justesse, les réseaux sociaux, la téléréalité… à travers de drôles et savoureux dialogues.


Mais voici comment les qualités d'un roman peuvent rapidement devenir des défauts rédhibitoires. Sauf le message essentiel, de la dictature du corps et de la performance physique, chaque phrase, chaque mot du roman renferme d'autres messages, certes très subtils, mais tous azimuts, entremêlés les uns aux autres sans une authentique cohérence. Le roman est-il trop long pour le sujet entrepris ? Certainement. De fait, le récit évolue en un fourre-tout, dans lequel, d'ailleurs, l'auteur renoue avec des thèmes anciennement traités dans ses précédents romans « le désir d'appropriation du corps et de sa jeunesse » en référence explicite à « Propriétés privées. (Belfond, 2020)


En définitive, l'intrigue principale devient prétexte à écrire beaucoup trop de choses de façon très désordonnée.


Cela est également vrai à propos des dialogues entre Serenata et Remington – dont on peut concéder la qualité et l'humour souvent –, mais redondants et pénibles à lire sur toute la longueur du livre.


Lionel Shriver est un excellent auteur, elle m'a régalé avec ses précédents livres. Pas cette fois-ci. La confusion entre roman et autobiographie n'est sûrement pas étrangère aux circonstances. (2)


Michel BLAISE. © 2021


(1)
Remington fait référence à un minéral, en l'occurrence, dans l'esprit de l'auteur, un arbre.

« Droit comme un I. Remington était un homme mince au port altier qui donnait l'impression d'avoir gardé la ligne sas jamais rien fait pour… »

On peut noter que Remington est également une marque de célèbre machine à écrire. Est-ce à dire que l'auteur a fait un rapprochement entre la raison d'être de cette machine à « dialogues » et ceux, continuellement échangés, entre les époux Remington Alabaster et Serenata Terpsichore ?

Alabaster, en français albâtre, est un terme anglais appliqué à des minéraux utilisés en tant que matériaux destinés à la sculpture.

Terpsichore, du grec ancien, est une jeune fille, vive, épanouie, couronnée de guirlandes qui se dirige, tenant une lyre sur son épaule, de tous ses pas en cadence. Mère des sirènes, elle aurait un lien avec le Dieu Apollon.


(2)
On peut lire l'ouvrage comme une autobiographie romancée si l'on en juge par les déclarations de l'auteur, reprises dans la presse et, plus particulièrement « The Guardian et The New Yorker (1 juin 2000) « Looking for Trouble » (Lionel Shriver cherche des ennuis).

                            

jeudi 4 février 2021

Cent ans de Laurelfield, Rebecca Makkai (Lien vers Babelio)


                                    Littérature américaine - saga familiale


« Nous ne discutons pas la famille. Quand la famille se défait, la maison tombe en ruine » (Antonio de Salazar)

Dans l'atavique demeure de « Laurelfield », dans l'Illinois près de Chicago, l'aïeule centenaire, Violet Saville Devohr, qui jadis s'y serait suicidée, hante les lieux. Elle observe depuis son portrait suspendu au mur de la salle à manger, ses descendants et les résidents qui vont et viennent.

Sur le mode des poupées gigognes et empruntant un chemin à rebours, l'auteur écrit une saga familiale impertinente et audacieuse.

1999. le 31 décembre, veille du passage au deuxième millénaire, sont présents : Zee, enseignante universitaire, marxiste, qui dédaigne la fortune de ses parents, tout en profitant de celle-ci en habitant le domaine familial avec son mari, Doug, doctorant ès Lettres, ainsi que sa mère, Grace, aussi étrange que mystérieuse - dissimule-t-elle un abominable secret ? -, et son beau-père, Bruce, obsédé à faire des provisions pour prévenir la catastrophe annoncée du passage à l'an 2000.

1955. Grace et son mari, George - alcoolique et violent -, emménagent à « Laurelfield ». Mais Grace perçoit des indices dont elle est persuadée qu'ils augurent de mauvais présages dont certains sont comme surréels. Désormais, sa situation se trouve sens dessus dessous. Néanmoins, et fort heureusement, Grace s'agrippe à Max, le majordome. Mais celui-ci est également perclus de mystères se traduisant pour Grace par l'incapacité de celle-ci à découvrir qui est réellement la jeune Amy, la prétendue nièce de Max.

1929. « Laurelfield » est une colonie d'artistes accueillant le « gratin » de la création artistique de l'entre-deux-guerres, une communauté esthète et libertine.

« Cent ans de Laurelfield » (Les Escales, janvier 2021) est le troisième roman traduit en français de Rebecca Makkai (Lake Forest - Chicago, Illinois) après « Chapardeuse » (Gallimard, 2012) et « Les Optimistes » (Les Escales, janvier 2020).

Si l'on osait une comparaison artistique entre la littérature et l'opéra, on pourrait dire que le roman « Cent ans de Laurelfield », par opposition à un récit plus conventionnel, rappellerait l'une des traditionnelles altérités de l'art lyrique. Quand le « Bel canto » de Verdi commence par une ouverture qui expose, en quelques mouvements, l'intégralité et l'ampleur des passions en sursis, l'opéra Wagnérien joue de ressorts spéculatifs. Avec circonspection et toutes proportions gardées, l'on peut dire que Rebecca Makkai, dans « Cent ans de Laurelfield », déploie un récit aux allures wagnériennes par l'usage de thèmes étroitement imbriqués au sein d'intrigues, entremêlées les unes aux autres, parfois relevant de la magie, voire du mythe. de même, l'on retrouve des fondamentaux - leitmotivs et fils conducteurs - au soutien de la composition du récit exhaussé suivant une construction antéchronologique - de 1999 à 1900, en s'achevant par un prologue – où, à chaque instant, Rebecca Makkai révèle des messages au lecteur :

« Tout ce fichu siècle aurait eu bien plus de sens s'il s'était déroulé à rebours» (P. 154).

C'est un point essentiel qui traduit le coup de maître réalisé par l'auteur dans ce roman d'une intelligence outrageante. Mais que l'on ne s'y méprenne pas, pas de providence, ni Dieux ni Déesses sur la propriété de « Laurelfield », mais des intrigues et des personnages, de chair et de sang, empreints de points de vue contraires et opposés, magistralement mis en scène, qui demeurent et se meuvent, mais tous dans la filiation de générations successives.

Rebecca Makkai n'est pas avare d'intrigues et de contradictions dont« Laurelfield » est un modèle de creuset. Zee, universitaire marxiste, aux liens familiaux contrariés, accepte, toutefois, d'emménager dans la remise de la propriété avec son mari, Doug, astreint à rédiger, pour l'université, une monographie sur un mystérieux poète, Edwin Parfitt. Peu inspiré, il écrit en secret des romans pour jeunes filles. À la demande de Grace, les époux doivent partager cet espace avec le demi-frère de Zee, Case, et sa femme, Miriam, une artiste fantasque. Mais l'équilibre du couple formé par Zee et Doug semble être remis en question depuis l'arrivée des deux autres. Également, Amy, une jeune fille moquée pour son physique, qui est présentée par Max comme sa prétendue nièce, sème le trouble.

Les personnages du roman, qui évoluent au sein de conflits permanents, présentent tous les caractères pour s'y attacher ou les détester. Leurs défauts, leurs contradictions et leurs évolutions – à ce dernier égard, il est prudent de se méfier des apparences, les bons ne sont pas toujours ceux auxquels nous pensons. Mais, tous concourent à faire de cette fiction un excellent roman.

Quelques réserves cependant :

En premier lieu, sur ces deux derniers points – intrigues et personnages -, on ne saisit pas toujours, et pour tous, ce qu'ils deviennent au fil de la lecture et, plus particulièrement, dans la deuxième et la troisième partie du roman. Aussi, une seconde lecture - voire une deuxième - peut s'avérer nécessaire pour bien comprendre, le cas échéant, ce que sont devenus certains personnages et le sens de certaines situations (Zee et Max par exemple). Mais, tout compte fait, Rebecca Makkai n'écrit pas un roman sur ce qui va arriver, mais sur le passé révolu et le pourquoi de celui-ci que seul le lecteur peut saisir en fin de roman.

Ainsi, comme l'on sait, dans les années 20, « Laurelfield » était une colonie accueillant des artistes - dont Edwin Parfitt. Doug est persuadé que le grenier contient des archives et documents précieux pour son travail. Il s'affranchit, alors, de l'interdiction, très énigmatique de sa belle-mère, Grace, que seul le lecteur comprendra, mais plus tard, tout comme tant d'autres mystères et intrigues.

De même, mais ce point n'est pas en lien avec l'apparente tortuosité du roman particulièrement bien conduit, il faut lire une centaine de pages pour ne pas abandonner la lecture en cours de route. Si celles-ci ne sont pas outrageusement ennuyeuses, elles ne sont pas d'emblée passionnantes en raison, précisément, de la structure du roman et du fait que l'on ne sait pas très bien ce qu'il en est et où l'on va. Mais tout vient à point à qui sait attendre…

En bref, si le livre demande une lecture un minimum soutenue, il est extrêmement riche, intelligent et passionnant et, paradoxalement, léger et drôle sur fond de comédie, voire de satire historique, de spectres et apparitions, agrémenté d'humour à caractère sexuel, mais toujours spirituel.

Je conseille très vivement la lecture de ce roman.

Bonne lecture.


Michel BLAISE ® 4 février 2021

lundi 16 mars 2020

Propriétés privées, Lionel Shriver

     
                                              Littérature américaine - Nouvelles



« le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez stupides pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile … » proclame Rousseau dans son discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes. le philosophe du XVIIIe siècle n'observait aucune relation entre propriété et communisme ; son propos n'était que l'affirmation d'un esprit libertaire.


Envisagée à l'aune de la continuation et de la continuité de l'oeuvre balzacienne, Lionel Shriver croque dans « Propriétés privées », sans compassion ni jugement, le spectacle de la Comédie humaine propre au désir irrépressible d'appropriation et de possession lorsque celui-ci confine à la dépendance et à l'obsession et, en définitive, contraint l'Homme moderne occidental et révèle ses viles et douloureuses émotions.

Née en 1957 aux États-Unis, Lionel Shriver a enseigné avant de partir pour la découverte du monde. Elle a vécu en Israël, à Bangkok, à Nairobi et en Irlande du Nord, où se situe l'ultime histoire du livre.

À mi-distance de la nouvelle et du roman, « Propriétés privées » est publié en février 2020 aux éditions Belfond. Lionel Shriver est également l'auteur de six romans dont « Il faut qu'on parle de Kevin » (Belfond, 2006), récompensé par l'Orange Prize, et de « La famille Mandible, 2029-2047 » (Belfond, 2017). Elle vit aujourd'hui à Londres, mais également à New York avec son mari Jeffrey Lawrence Williams, jazzman réputé.

Douze nouvelles sarcastiques, dont deux Novella – le pied en lustre et la sous- locataire - dont le dénominateur commun est l'exposé des mécanismes psychologiques d'appropriation des biens et d'emprise sur autrui, sous toutes ses formes. Et en filigrane, cette interrogation : de l'Homme ou de la chose lequel domine l'autre ?

Il y en a pour tous les goûts. Et d'aucun ne pourra nier, pour autant les incertitudes et les contingences afférentes au monde contemporain, se reconnaitre, au moins une fois, dans l'une ou l'autre des situations décrites.


Novella « le lustre en pied » - un présent de mariage – est éclairante. Une épouse exhorte son mari à rompre toute relation avec une amie de longue date. Celle-ci exige de reprendre le cadeau offert, mais se heurte au refus de la mariée.