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mercredi 19 octobre 2022

Choi JOE- HOON, Sept yeux de chat


                                                Littérature Coréenne 


(Chronique à venir)

Monsieur Han, Hwang SOK-YONG



  

                                                    Littérature Coréenne 


"La perfection est un chemin ou une fin" (Proverbe coréen)


Il n'est guère d'auteurs qui savourent en Corée du Sud d'une popularité semblable à celle de Hwang Sok-yong : l'impression de ses ouvrages atteignait souvent des records à faire pâlir Virginie Despentes, et plus particulièrement, « Monsieur Han » adapté pour le plus grand plaisir des spectateurs de même qu'il est l'un des ouvrages le plus traduit dans le monde, deux sont en cours de traduction.



Mais que recèlent cette célébrité et l'œuvre de l'auteur ? Hwang Sok-yong, depuis qu'il est étudiant, s'est énergiquement battu pour de la liberté durant l'absolutisme militaire, qui a finalement fléchi à l'abord des Jeux Olympiques de Séoul de 1998), après avoir dévoilé les conditions faites aux salariés par des patrons peu regardants aux droits élémentaires humains. Pour cela, il a été emprisonné et a payé un lourd tribut.


Mais Hwang est, avant tout, un romancier. Et quel romancier ! Le roman « Monsieur Han » est un chef-d'œuvre de littérature.


Hwang Sok-yong est né en 1943 à Zhangshun en Mandchourie, alors colonie japonaise tout comme la Corée. C'est là que son père a entraîné sa famille originaire de la province du Hwanghae (aujourd'hui en Corée du Nord) pour y chercher fortune. Très tôt, il est témoin des bouleversements qui secouent le pays : la Libération et le chaos qui a suivi, la famille s'installe d'abord à Pyongyang puis, en 1947, à Séoul, la guerre de Corée de 1950 à 1953, et, bien entendu, la division du pays.


C'est dans ce contexte que l'auteur utilise le crayon et que son talent et son aptitude pour l'écriture s'ouvrent telle une rose.


"J'ai grandi en écoutant ma mère me raconter des histoires à longueur de journée. Elle avait bénéficié d'une éducation moderne. Je lisais les classiques qu'elle achetait pour moi. À l'école, pendant la récréation, je racontais à mes camarades ce que j'avais entendu ou lu à la maison. Eux, ils aimaient bien mes histoires. C'est à ce moment que j'ai dû comprendre que, pour inventer une histoire, il fallait y mettre des souvenirs et de l'imagination. L'enfant que j'étais avait passé beaucoup de temps à rêver seul. Au cours de ces rêveries, je m'efforçais de reconstituer les événements que j'avais vécus quand j'avais trois ou quatre ans. C'était comme si je démêlais les fils embrouillés d'une pelote de laine. Ces événements, je les fixais ensuite en images dans ma mémoire pour les conserver précieusement. Par exemple, le moment où nous avons passé le 38ᵉ parallèle, c'est, dans ma mémoire, une promenade pour aller en pique-nique. Les champs étaient couverts de fleurs d'astragale et de roseaux de Chine : portant chacune un sac à dos, mes sœurs marchaient un peu à l'écart de ma mère qui me portait sur son dos. Elle me disait tout bas – je me souviens encore de la tonalité de sa voix – de ne pas faire de signes à mes sœurs, car il ne fallait pas qu'on nous soupçonne d'être en train de fuir aussi. Cette scène est restée gravée dans ma mémoire, mais pas dans celle de mes sœurs, pourtant beaucoup plus grandes que moi"… « Herbes folles »


La guerre de Corée a très largement inspiré le livre de Monsieur Han. C'est un ouvrage extrêmement célèbre en Corée, autant que Madame Bovary de Flaubert ou L'Étrange de Camus.


Mais de quoi s'agit-il ? : à la Libération, Soviétiques en 1945, les Américains sont chargés au nord du 38ᵉ parallèle et au sud de désarmer les forces japonaises vaincues et d'organiser des élections pour élire un gouvernement qui serait placé à la tête du nouvel État fédérant les deux moitiés du pays. Mais Les élections ne se tiennent pas, et on se récupère deux gouvernements et deux États. le 25 juin 1950, les troupes du nord déferlent sur le sud et prennent Séoul puis la quasi-totalité du pays. Les volontaires chinois interviennent à Séoul de nouveau. L'armistice est signé le 27 juillet 1953, laissant quatre millions de victimes, un pays dévasté et plus divisé que jamais.


Han Yongdok, le protagoniste du roman, est professeur de médecine, spécialité obstétrique, à l'hôpital universitaire de Pyongyang quand la guerre éclate. Lui et deux de ses collègues deviennent vite suspects aux yeux de la hiérarchie communiste pour leur manque d'entrain idéologique.
Le doyen était un ancien officier des services de santé de l'armée soviétique. Il était venu à Pyongyang, envoyé par Moscou. Dès son arrivée, il avait quitté l'uniforme pour adhérer au Parti. Ceux qui, comme lui, avaient porté l'uniforme inspiré de l'Armée Rouge s'étaient, à leur retour, emparés de postes de commandements, bien qu'ils fussent ignorants des institutions de leur pays. Si bien qu'ils imposaient chez eux un mode de fonctionnement calqué sur celui de l'Union soviétique, ce qui facilitait la mainmise de cette puissance. Les gens compétents, en revanche, et les vrais, mais obscurs patriotes qui, eux, n'avaient pas quitté le pays, se montraient trop critiques pour se voir offrir des responsabilités. Plus le temps passait et plus le pouvoir durcissait ses positions, les préparatifs de la guerre lui donnant de nouvelles raisons de se faire plus coercitif. le doyen de la faculté ne manquait jamais une occasion de rappeler qu'il avait, lui, suivi la voie royale, c'est-à-dire l'Armée Rouge, tandis que les communistes coréens qui étaient passés par la Chine n'avaient appartenu là-bas, dans le meilleur des cas, qu'à un corps de réservistes. du haut de ses trente ans et de la grandeur que lui conférait sa formation moscovite, il crachait son mépris à la figure de professeurs pourtant de dix ans ses aînés. Quelle meilleure façon de signifier à ces hommes du passé qu'ils ne serviraient que jusqu'au moment où de plus jeunes, plus combatifs et idéologiquement sûrs, seraient en mesure de les remplacer à l'université ? Il ne manquait jamais l'occasion de stigmatiser leur absence de véritable engagement et les accusait constamment d'avoir des penchants bourgeois.


Mais au lieu de soigner les malades, à l'Hôpital du Peuple, Han ignore les ordres qui lui ont été donnés, soigner uniquement les cadres du Parti et les soldats de l'Armée du Peuple, il s'occupe aussi des gens ordinaires. Condamné à mort pour incivisme, il échappe par un hasard extraordinaire au peloton d'exécution.


Arrivé au sud, il se heurte aux désordres provoqués par la guerre, la corruption étant devenue récurrente, mais il en souffre davantage que les autres, car il tient à son intégrité. Il tombe dans le piège tendu par de faux médecins peu scrupuleux, et surtout, il devient très vite la proie de la suspicion délirante qui s'est emparée. Il mourra dans la misère.


Sa mère avait toujours désiré retourner au nord, elle avait acquis la certitude qu'elle ne le pourrait pas. Elle est morte peu après.


Il y aurait tellement de choses à dire sur Hwang Sok-yong, la Corée du Sud et la littérature de ce pays, que j'engage vivement les lecteurs de cet avis à débuter par la biographie de l'auteur et l'ouvrage de monsieur han, un chef-d'œuvre absolu.