dimanche 20 juin 2021

Moi et François MITTERRAND, Hervé Le TELLIER


                           Humour - Politique - Pamphlet

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« Il y a ceux qui ont besoin d'écrire, ceux qui ont besoin de rêver, ceux qui ont besoin de parler… ; mais les romans ne sont pas sérieux, c'est la mythomanie qui l'est » (André Malraux).

Ce court récit, illustré par des documents visuels, « Moi et François Mitterrand » (Hervé le Tellier Jean-Claude Lattès, 2016), dont l'auteur est lui-même le narrateur, relate la « vraie fausse » correspondance d'un mythomane avec le président Mitterrand et ses successeurs jusqu'à François Hollande.

« Je ne vais pas en faire une affaire d'État…, mais à partir de 1983 François Mitterrand et moi avons entretenu une correspondance assidue… »

« Cher François Mitterrand, je voulais vous féliciter – fût-ce avec un léger retard – de votre élection voici deux ans déjà. Je suis à Arcachon où je passe de bonnes vacances, nous parlions justement de vous. Nous avons mangé des huitres, excellentes, bien qu'un peu laiteuses. Encore bravo. Hervé le Tellier. »

Quelques semaines plus tard, Hervé le Tellier reçoit une réponse-type, mais qu'il interprète comme très personnelle au point qu'il identifiera toute la correspondance qui va suivre, mais qu'il alimente seul puisqu'il ne recevra toujours que la même lettre impersonnelle, à l'amitié que se portaient Montaigne et La Boétie, comme le révèle la citation en épigraphe du texte : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ».

« Présidence de la République, Paris le 12 décembre 1983,

Cher Monsieur, votre lettre en date du 10 septembre 1983 vient de me parvenir et je vous en remercie. Ne doutez pas, cher Monsieur, que vos remarques recevront toutes l'attention qu'elles méritent et qu'elles seront prises en considération par nos services dans les délais les plus brefs… »

« Dès les premiers mots, j'ai tout de suite reconnu le style de François Mitterrand, si aérien, si littéraire… J'ai apprécié ce « Cher Monsieur » … »

Ce texte, que l'on pourrait sous-titrer la « correspondance d'un mythomane », au demeurant fort bien écrit, n'aspire qu'à procurer une heure de joyeuse et hilare lecture. Il y parvient brillamment.

Mais sous couleur de légèreté, l'on distingue, dans une comédie politique du rapport au pouvoir, quelques lazzis et quolibets bien sentis qui autorisent l'intitulé de pamphlet.

C'est délicieux, jouissif, irrévérencieux et bien écrit.



Michel BLAISE © 2021

La grâce et les ténèbres, Ann Scott

        

                                       Islamistes - Internet - terroristes

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« On dit les idéologies mortes, mais les plus efficaces sont celles qu'on ne perçoit pas comme telles ». (Marc Augé)

Sur le thème de l'islamisme et le monde méconnu de la lutte bénévole qui le combat sur les réseaux sociaux, ce livre (« La grâce et les ténèbres », Calmann-Lévy 2020) est exaspérant et problématique. Polar géopolitique, document, ce livre est avant tout un essai parce qu'Ann Scott ne se limite pas à raconter une histoire ou à exposer objectivement des faits, mais présente, plus que de raison, sa pensée pénétrée d'une idéologie obsédante qui interpelle sur les rapports malsains que l'auteur entretient avec l'islamisme.

Les faits. le personnage principal, Chris, trentenaire, musicien incapable, bourgeois-bohème, sans personnalité ni conviction, tête à claques et exaspérant - bref, « jeune branleur » et bon à rien -, habite un appartement vide, trop grand pour lui, dans lequel il vit la nuit et dort la journée. Il tente, mais en vain, de composer sa musique. Influencé par les engagements de sa mère, climatologue, et de ses sœurs, photographe et reporter de guerre, il pense donner un sens à sa vie, le jour où, avec celles-ci, il découvre - peu après la présentation des images de l'exécution par l'État Islamique du journaliste, James Foley - un groupe d'anonymes qui lutte contre la propagande djihadiste sur internet, les « narvalos ».

Au début fasciné, il se lance dans la cybersurveillance pour, petit à petit, se détacher de lui-même au service d'une cause, une fois encore trop ambitieuse pour lui, qui le déborde jusqu'au stress posttraumatique.

Avant la parution de son premier roman « Asphyxie » (1996) - description de l'ordinaire d'un groupe punk américain en tournée en Europe, inspiré de Nirvana et des Sex Pistols -, Ann Scott ne trouvait pas d'éditeur. Puis vint la publication, quatre ans plus tard, de « Superstars » (Flammarion 2000), précédé de « Poussière d'anges » et, enfin, de « Cortex », (Stock).

Les ouvrages d'Ann Scott particulièrement psychédéliques, gravitent régulièrement autour des thèmes de la musique électronique, de la drogue - sans pour autant dénoncer celle-ci - de l'homosexualité et de la bisexualité, sur un ton prosélytique par un rejet subliminal de l'homosexualité lorsqu'elle déclare sur le média « Nulle part ailleurs » : « Autant la bisexualité est une forme d'équilibre pour moi, autant les relations homosexuelles que j'ai pu vivre ont été plutôt pathologiques »

Assurément sa rencontre, en 1995, avec la sulfureuse, contestée et contestable Virginie Despentes (1) - qui s'est récemment illustrée par des prises de positions racialistes - et aujourd'hui l'écriture de « La grâce et les ténèbres », trahissent Ann Scott qui entretient entre l'islamisme et d'autres structures extrémistes également répugnantes - l'ultra droite et autres organisations néonazies, notamment - une vision hiérarchisée singulièrement malsaine.

La rédaction de cet essai, pétri d'idéologies, expose évidemment l'auteur, pareillement à son ouvrage, à des critiques plus personnelles.

Mais je ne veux pas me fourvoyer dans le commentaire. Aussi, j'admets très volontiers que la présentation des « Narvalos » - sous certaines réserves tenant aux amalgames entre document et fiction, spécialement lorsqu'il s'agit de romancer les « loupés » des services du renseignement (attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray, par exemple) en citant nommément les protagonistes des agressions islamistes et le modus operandi, procédé plus que discutable - est remarquable. le travail accompli par l'auteur, durant deux ans au côté du collectif de la « Katiba des Narvalos » (en arabe « Bataillon des fous »), constitué après les attentats de 2015 en France afin de collaborer, bénévolement à leurs risques et périls, auprès des services de renseignements, est louable et très instructif.

Et si l'on doit saluer, dans cet ouvrage, je ne sais quoi et je ne sais qui, ce sont bien ces anonymes et eux seuls.

Pour le reste, sur le fond, l'ouvrage d'Ann Scott est navrant d'idéologie et de dogmatisme contre-productifs.