mardi 13 avril 2021

Dans la tête de ma psy et comment choisir le sien, Dr Sylvie Wieviorka

 


                             Médecine - psychiatrie - psychothérapie     

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   « De quelque manière qu'on s'y prenne on s'y prend toujours mal » (Sigmund Freud)


L'ouvrage du médecin psychiatre Sylvie Wieviorka - HumenSciences, 2021(1) - n'est pas un traité de psychiatrie ni de psychanalyse. Pour autant, l'auteur ne s'abandonne jamais à la vulgarisation. S'obligeant à une définition simple et modeste - « la psychothérapie s'adresse à des personnes qui souffrent » - l'auteur écrit simultanément un récit et un essai, intelligent et intelligible, signé d'une longue expérience. Il interpelle prioritairement ceux qui, déjà affaiblis par des souffrances psychiques, seraient désireux de consulter, mais doutent de la pertinence et des conditions d'une démarche difficile, souvent perçue comme un espoir vain. Sylvie Wieviorka donne des informations et des conseils appropriés, illustrés de cas concrets et de dialogues rapportés, afin de réfuter aprioris et préjugés.


Pour s'orienter « dans la jungle des psychothérapies », dont les définitions sont nombreuses - « le chiffre de 400 est souvent évoqué en France » (P.54) -, Sylvie Wieviorka s'applique à ordonner ces « techniques » ou « méthodes » en privilégiant celles qui sont les plus répandues et pratiquées : la psychanalyse proprement dite (sur le divan) ou les psychothérapies d'inspiration analytique (face à face), les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ou encore, les thérapies familiales systémiques (2) - sans omettre certaines pratiques inefficientes.


En effet, l'auteur ne dissimule pas son esprit très critique à propos des méthodes de  développement personnel » et de « coaching » qui se différencient de la psychothérapie en cela qu'elles « n'ont pas pour objet spécifique de soulager la souffrance (P.22) … À lire le florilège d'âneries contenues dans ces ouvrages de développement personnel, on voit bien que leurs auteurs ne croient pas à l'intelligence de leurs lecteurs… Les patients ont [déjà] essayé, sans succès, toutes les solutions… Soit ils n'arrivent pas à les mettre en œuvre, soit cela ne leur convient pas… Ce type de conseils de bon sens accroit le sentiment d'incompétence du patient… (P.35) … Beaucoup de [ces] ouvrages s'appuient sur l'expérience vécue par leur auteur, qui s'érige en exemple à suivre : ça a marché pour moi, ça marchera pour vous, faites comme moi et vous serez heureux… » (P.34) (3).


Là encore, Sylvie Wieviorka est passionnante parce qu'avec talent et sérieux, elle abandonne le récit didactique et ardu au profit d'une présentation instructive et sérieuse - inévitablement théorique de temps à autre, mais néanmoins plaisante, vivante et richement illustrée d'enseignements concrets.


Ensuite, l'auteur pose la question du choix du « bon » spécialiste formé à la pratique privilégiée par le patient dans le dédale des fonctions et des titres - psychiatres, thérapeutes, « psychothérapeutes », analystes, psychologues, psychanalystes


Sylvie Wieviorka rappelle qu'un psychiatre est prioritairement un médecin spécialiste - des maladies mentales - seul habilité à établir un diagnostic et à prescrire un traitement médicamenteux. La psychothérapie, au sens technique et générique de l'acception, ne se  « limite pas à un enseignement. Il s'agit d'une technique appuyée sur un savoir et c'est donc bien de formation qu'il s'agit. » (P. 116). De ce point de vue, la force et le mérite du livre est de faire la clarté et une mise au point à propos de confusions souvent abondamment partagées, parfois malintentionnément entretenues en raison, par exemple, du défaut de règlementation de titres pompeusement utilisés, tels que « psychothérapeutes ». Un médecin psychiatre, par sa formation ou son expérience, est à même de pratiquer une psychothérapie, en revanche, un psychanalyste, un « psychothérapeute » ou un psychologue, par exemple, ne sont pas nécessairement des médecins dont le titre est validé par l'Université.


Sylvie Wieviorka n'est enfermée dans aucune « chapelle ». Formée à la thérapie familiale, elle précise avoir travaillé avec des patients seuls. Elle expose avoir utilisé « des techniques systémiques dans la relation avec le patient et [s'être] efforcée d'élargir [son] champ de vision et d'intervention [au] contexte de vie {de son patient] » (P.173) Cette information est essentielle pour l'auteur, le sens du livre et de son message : elle évoque, au-delà de l'apparente simplicité de la classification précisée avant, toute la difficulté de la science psychiatrique et des techniques psychologiques et psychothérapiques.


Difficultés qui seront rencontrées autant par le « thérapeute », dès sa formation jusqu'à l'évaluation de son travail dispensé au patient, que par ce dernier. À cet égard, le livre est nécessaire à celui qui veut comprendre la signification, les bienfaits et les profits de la psychothérapie, comme ses limites.


Définitivement, « Dans la tête de ma psy » de Sylvie Wieviorka est un formidable ouvrage que je recommande vivement à tous ceux qui s'interrogent sur la nécessité de consulter, mais également au lecteur désireux de sortir de sa « zone de confort » et de découvrir un horizon nouveau, fort intéressant ou encore de mettre certains points sur les « I » et les barres sur les « T » afin de tordre le cou à beaucoup de poncifs et de préjugés.


Bonne lecture,

Michel BLAISE © 2021


1 - HumenSciences est un éditeur qui publie des livres absolument fantastiques. Il se « déploie sur trois collections :

« Quoi de neuf en sciences ? », décrypte un monde en mutation accélérée, de plus en plus façonné par la science,
« Nature et Savoir », dévoile les secrets de la nature et éclaire notre regard sur les espèces animales et végétales qui nous entourent,
« Comment a-t-on su… », dirigée par Etienne Klein, retrace quand et par qui les grands mystères scientifiques ont été résolus et les découvertes fondamentales établies ».

Je conseille vivement la lecture de l'ouvrage récemment publié, « Un café dans l'espace » de Michel Tognini qui fait partie des dix Français qui sont allés dans l'espace : « Avec sensibilité et humour, il nous raconte sa vie de spationaute, l'intensité de l'entraînement physique et psychologique, l'adrénaline du compte à rebours sur le pas de tir, la gestion du sommeil et du stress quand le moindre incident peut se transformer en tragédie. Il partage avec nous la stupéfiante beauté de notre planète vue du cosmos. Et les spationautes qui partiront demain sur Mars, comment sont-ils choisis et à quoi doivent-ils être préparés ? L'auteur qui participe désormais à la sélection et à la formation des futurs équipages – il a notamment recruté Thomas Pesquet – nous en dévoile les coulisses ».



2 - L'auteur n'évoque pas, par exemple, l'ethnopsychiatrie ou psychiatrie transculturelle ou comparée, qui se développe depuis très récemment, « inventée » par le psychiatre et anthropologue Georges Devereux au XXe siècle, portée essentiellement, aujourd'hui, par son disciple, Tobie Nathan, mais qui n'est pas diplômé de médecine. Cette nouvelle discipline s'intéresse à l'étude de l'influence des facteurs ethniques sur l'origine et les manifestations des maladies mentales.


3 – Julia de Funès « le développement (Im)personnel, le succès d'une imposture L'OBSERVATOIRE, 18 septembre 2019.



                          

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