mardi 16 avril 2019

La femme qui lisait des romans anglais, S.Tabet

adultère - sentiments

    

"Cherchez le, sentez le avec vos mains, ne réfléchissez pas,…soyez plus sage que votre tête" Matt Damon, la légende de Bagger Vance

               

                                        Un roman parfaitement réussi.

Mariés depuis 25 ans, Juliet et François forment un couple comblé. Elle – quarante-cinq, professeur et sociologue à Paris, est éprise de littérature anglaise, celle dont les auteurs racontent la vie d'héroïnes amoureuses, tourmentées, malmenées, violentées. Ces personnages l'instruisent, pallient les carences de  "l'éducation sentimentale" d'une mère disparue trop tôt. Lui - est un époux aimant. Ils ont trois enfants. Un parcours et une perspective idéales, à priori…

Depuis sa rencontre avec Jérémy, devenu son amant au mois de mai 2015 – « photographe - reporter », célibataire et libre de toute attache familiale – Juliet doit affronter, durant huit mois d'amours clandestines, un dilemme : sauver son mariage ou quitter son époux et partir avec Jérémy. La raison ou la passion ? Tel est le choix que Juliet va devoir faire en se replongeant dans les intrigues de ses héroïnes préférées des romans anglais quand elle était enfant, en s'identifiant à elles, et dans le « petit cahier » laissé par sa mère, « son seul héritage ». Car, sa psychiatre, le docteur Barel, ne lui est pas d'un grand secours.

Au mois de janvier 2016, Jérémy, las de l'indécision de Juliet, part définitivement pour Beyrouth et met un terme à leur liaison. Juliet, désemparée, avoue tout alors à François. Elle jure que "tout est terminé". François pardonne. Juliet ment, elle pense toujours à Jérémy...

Six mois après, un matin du mois juin 2016, Juliet est assisse à proximité du jardin du Luxembourg : dans une heure, elle a rendez-vous avec celui qu'elle a enfin choisi…

Juliet est-elle enfin délivrée de son dilemme ? Pas si sûr…

lundi 1 avril 2019

"Septembre", Jean Mattern

 

                       Drame - sentiments - Israël - homosexualité


Nous sommes au mois de septembre 1972, les jeux olympiques se tiennent en Allemagne de l’ouest. Le narrateur, Sébastien – marié et jeune journaliste - est dépêché à Munich par le BBC pour effectuer un reportage d’avantage culturel que sportif. Il croise à cette occasion le regard sombre et ténébreux de Sam Cole, journaliste israélite, pour le compte d’un journal américain. 

"Je le vis, je rougis, je palis à sa vuese serait ainsi exprimée « Phèdre », dans son éblouissement passionnel.

Est-ce une rencontre qui offre à Sébastien l’opportunité de se révéler à lui-même, ou s’agit-il de l’affranchissement intime et frénétique du narrateur lié à une actualité tout aussi violente quand une organisation palestinienne prend en otage et assassine onze athlètes de la délégation israélienne ?

A cet instant, l’histoire chavire. L’horreur conduira-t-elle les protagonistes à connaitre également un "septembre noir" 2 ?

A l’automne de sa vie, Sébastien, réconcilié avec lui-même, restitue, sous la plume de Jean Mattern, ce récit /ce roman ?, empreint de sentiments - peut-être encore confus, mais délicieusement nostalgiques.

Jean Mattern, né en 1965, vit à Paris. Marié, il travaille dans le monde de l'édition.

"Septembre", publié aux éditions Gallimard en 2015, n'est pas son premier roman : "Simon Weber", "le bleu du lac", "de la perte et autres bonheurs", "de lait et de miel", "les bains de Kiraly"… sont autant de pépites de Mattern.

A noter que paraîtra, au mois d'août 2019, son nouveau roman : "une vue exceptionnelle". En attendant est programmé, du vendredi 3 mai au dimanche 5 mai 2019, "Jean Mattern & Conor O'Callighan" au festival livres et musiques à Deauville. L'Irlande sera mise à l'honneur à cette édition.

Dans "Septembre", Jean Mattern fait le choix de distiller les faits et les situations suscitant l'éternelle question : le roman est-il une œuvre d'imagination ou/et également de souvenirs mêlés, en même  temps ? Je reste persuadé que "l'intrigue" est  souvent l'aboutissement de la rencontre  des deux.

Est-ce à dire que "Septembre" est une œuvre autobiographique ? On serait tenté de le penser et on aurait aimé le croire. Non, évidemment.  En 1972, l'auteur est âge de 7 ans, il dira avoir été déjà très marqué par la violence des événements qu'il ne peut alors comprendre. Bien plus tard, la naissance du livre marquera son désir impérieux d'y revenir.

Tout de suite, il apparaît comme une évidence que Mattern s'est richement documenté pour donner au roman ce qui va constituer la toile de fond à une œuvre romanesque empreinte de douceur et de sensibilité extrêmes dans la difficulté née de de la complexité, de la confusion 3 et de l'ambiguïté des sentiments quand l'amour et l'amitié se heurtent.

On retrouve dans "Septembre" tous les thèmes récurrents à l'œuvre de Mattern : la disparition, la perte de l'être aimé par les circonstances de la vie qui nous échappent (cf. "Simon Weber"), le désir charnel, l'amour et sa complexité…

Sébastien et Sam Cole cheminent exactement et malgré eux  dans un "jeu de liaisons dangereuses". L'auteur est brillamment parvenu à leur donner une personnalité abyssale, attachante parfois, mais insaisissable, souvent.

C'est donc un thème encore qui lui est familier qu'explore à nouveau jean Mattern, y ajoutant la nostalgie et le poids du passé. Mais le nouvel émerveillement dans la poursuite de la lecture de son œuvre vient d'une écriture cette fois-ci différente, plus efficace et empreinte d'une tension poussée à son paroxysme.

Ce récit, servi par une langue parfaitement maîtrisée, magistralement orchestré autour d'un fait historique, est un véritable chef-d'œuvre.

Michel BLAISE © 2019



1. Phèdre de Racine, Acte I, scène 3.
2. La prise d'otages des Jeux olympiques de Munich (aussi appelée le massacre de Munich) a eu lieu au cours des Jeux olympiques d'été de 1972 à Munich en Allemagne de l'Ouest. Le 5 septembre 1972, des membres de l'équipe olympique d'Israël ont été pris en otage et assassinés par des membres de l'organisation palestinienne Septembre noir. Le bilan de la prise d'otages est de onze membres de l'équipe olympique israélienne assassinés et d'un policier ouest-allemand tué. Cinq des huit terroristes ont été tués, les trois autres capturés. (Source Wikipédia)
3. référence empruntée au récit de Stefan Zweig, "la confusion des sentiments"

jeudi 28 mars 2019

"On est bien peu de chose", Béatrice Rieussec.

                           



                          UN RÉCIT PARFAITEMENT RÉUSSI

                   
                          nouvelles - "comédie humaine moderne"



Sur le mode de la « nouvelle », ce recueil présente 16 « histoires », mettant en scène un ou plusieurs personnages. Il s'agit toujours d'individus banals, de situations ordinaires, mais qui nous ouvrent une fenêtre sur un genre de « comédie humaine » moderne. On y découvre - à un moment ou un autre – un prétexte immédiat, parfois ancien, pour s'identifier à une situation, se souvenir d'une autre, ranimer un sentiment, une perception, une sensation, une bref instant de vie parfois, tout simplement.

« On est bien peu de chose », publié par les éditions de la Remanence en 2018, est le premier ouvrage connu de Béatrice Repoux – Rieussec, avocate de profession à Lyon.

C'est avec une parfaite maîtrise de l'écriture, un sens du détail faussement simple et anodin que l'auteur parvient admirablement à réussir parfaitement son premier recueil. Sur la forme, une écriture empreinte constamment de musicalité, allitérations et assonances. L'auteur n'usurpe pas les compliments qui lui sont faits : c'est un écrivain digne de ce nom.


Des personnages imprégnés, sublimés, accablés. La première nouvelle « le bouquet » en est une parfaite illustration:lorsque cet employeur, d’un âge avancé, donne rendez-vous à sa jeune secrétaire :

"je me calme, elle s'appelle Clarisse, d'ailleurs la voilà, elle arrive au bout du pont, elle a détaché sa magnifique chevelure flamboyante qui se déploie dans la brise du soir et j'ai juste le temps de balancer mon bouquet (de fleurs) par-dessus le parapet"  (P. 11).

Les personnages - le lien entre ces nouvelles- sont conscients de ne pas pouvoir conjurer le cours des choses et des événements.

Lorsque Geneviève (la déroute, nouvelle 2), divorcée, prend véritablement conscience que Bernard a quitté définitivement sa vie, son « voyage » en train chez le notaire pour quelques formalités, la plonge rapidement dans le pathétique de la solitude brusquement ravivée. On retrouve dans ce petit texte, ou finalement tout est dit, l'atmosphère dépeinte dans la sublime nouvelle "la parure de Maupassant". (voir, ici )

c'est une vision lucide de la société, de la condition imposée, de l'immutabilité d'un caractère, de la pusillanimité, autant d'écueils qui rendent bien vaine la quête d'une vie meilleure. Une condamnation sans réserve du libre-arbitre.

Certes, de courtes nouvelles, parfois inégales, mais relayant le même propos en donnant ainsi à l'ensemble sa cohérence et sa puissance suggestive.

Toute proportion gardée – car il n'est pas faire injure à l'auteur de lui refuser toute comparaison avec Maupassant, E. BOVE, MALMUD…, mais il est difficile de ne pas songer à ces derniers auteurs en lisant les nouvelles de Béatrice RIEUSSEC.

Merci aux éditions de la Remanence pour ces quelques heures de bonheur.

Michel BLAISE © 2018




mardi 26 mars 2019

"Un jour comme les autres", Paul COLIZE


     
       

                       Quand la réalité dépasse la fiction...

                                  
                               Enquête - journalisme - policier - suspens



Le 14 novembre 2014 à 8 heures 30, Eric Deguide quitte le domicile d’Emily. Puis, il disparaît. Que cache ce professeur de droit international Belge trentenaire, à l’esprit aussi brillant qu’impulsif et imprévisible ? Seule certitude, son véhicule est retrouvé abandonné dans le parking de l’aéroport de Zaventem, alors qu’aucune caméra de surveillance ne l’y a vu entrer. Pour autant, la police est convaincue de son départ précipité et définitif : pour les enquêteurs, Deguide a abandonné son travail, ses collègues et sa compagne, Emily.

Emily…

Obsédée par les chiffres et les nombres jusqu’à la monomanie, celle-ci demeure dans l’incertitude durant 614 jours, deux années pendant lesquelles elle ne cesse de « ressasser » la dernière journée d’Eric, d’espérer… En vain, nonobstant quelques espoirs nés de la rencontre avec le très sulfureux Michel, webmaster d’un site dédié aux personnes disparues. 


Alain Lallemand, journaliste au quotidien d’investigation belge « le Soir », secondé par l’inénarrable Fred, s’intéresse à cette affaire : il a connu Eric par le passé. Sa détermination à tenter d’élucider cette affaire est d’autant plus vive lorsque Eric réapparaît….