mardi 2 juillet 2019

Mort contre la montre, Jorge Zepeda Patterson



                                                Policier


Au mois de juillet 2016, le Tour de « France » est terrifié : un assassin, caché au sein du peloton, menace les 198 concurrents.

Les favoris sont mis « hors d’état de nuire ». Steve Panata – le leadeur américain de La « Fonar », assisté de Marc Moreau, surnommé Annibal (1), son ami franco-colombien depuis 10 ans et « gregario » (2) de l’équipe - demeure le seul susceptible de gagner la course pour la cinquième fois consécutive.

La victoire des équipes favorites, rivales de la « Fonar », est compromise. Les soupçons se dirigent très vite en direction des leadeurs de quatre autres plus modestes susceptibles, toutefois, d’inquiéter Steve Panata.

Pour démasquer le coupable, garantir la loyauté de la compétition, Marc Moreaule narrateur, assiste - au cœur de l’organisation, durant les 21 étapes - l’inspecteur FavreAnnibal doit redoubler de sagacité : aider Steve à gagner, confondre le coupable résolu à voler la victoire ou, plus redoutable, à ruiner la crédibilité du Tour de France.

Le temps presse. Rencontres et discussions dérobées "agrémentent" les dessous du « Tour »Annibal et son "amante", Fiona, responsable technique de l’équipe, le colonel Lombard, son mentor, Ray, le journaliste et, bien entendu, l’inénarrable inspecteur Favre s’efforcent d’élucider le complot.
Tous les suspects ont un mobile ; l’enquête est laborieuse ; les hypothèses ne cessent de varier. De l’italien Matosas, désormais favori, à Steve lui-même, jusqu’au directeur sportif de l’équipe « "Fonar" », menacé de limogeage si Steve échoue ; tous seront un instant soupçonnés.

Annibal est-il aussi innocent qu’il n’y parait ? En effet, une autre réflexion le tourmente. Exploitera-t-il les circonstances pour trahir son ami, Steve : s’échapper, aux derniers instants décisifs de la compétition, à la conquête du maillot jaune ?

Mort contre la montre, publiée en France au mois de juin 2019 (Actes Sud - Actes Noirs), est le dernier roman de Jorge Zepeda Patterson. Diplômé de plusieurs universités d’Amérique du Sud et d’un doctorat de sciences politiques, délivré par la Faculté de la Sorbonne à Paris, Zepeda Patterson, journaliste et écrivain, est né, en 1952, à Mazatlán (Mexique, Etat du Sinaloa). Son premier roman, les « corrupteurs » (2013), est finaliste du prix Hammett. L’année suivante, il publie « Milena ou Le Plus Beau Fémur du Monde ». Ces deux romans dénoncent la corruption au Mexique ; ils sont également traduits pour les éditions Actes Sud.

« Mort contre la « montre » est une performance pour qui ignore tout et n’accorde aucun intérêt au Tour de France  ; les plus rompus identifieront d’authentiques références - champions, anecdotes et scandales divers. La totale réussite de ce roman tient de l’invention d’une édition originale du Tour de France intégrée à une remarquable fiction policière.

L’intrigue est prodigieusement conduite et maîtrisée. Durant plus de 300 pages, soit autant de chapitres que composent les 21 étapes du Tour de France – l’auteur domine rythmes et mesures ; aucun répit n’est laissé au lecteur. L’intrigue, élaborée « au cordeau », est méticuleuse, irréprochable, palpitante, crédible. Les enchaînements, les recoupements, mais encore « les fils » secondaires, sont cohérents. Le tempo est vibrant, palpitant, inquiétant, parfois, notamment lors des récits d’étapes. Il apporte une plus-value au suspense de l’enquête criminelle étroitement liée aux stratégies de la course.

Bien évidemment, l’effervescence du récit n’est pas constante durant 300 pages, mais l’auteur possède le goût et l’aptitude d’alterner emballement et répit de l’écriture ; seuls les virtuoses y parviennent sans jamais lasser, ni agacer.

L’intrigue est la matière principale du roman policier, mais elle ne suffit pas à assurer le résultat de celui-ci. Les personnages, principaux et secondaires, la qualité des descriptions - les paysages, les lieux, les ambiances - incarnent des éléments essentiels. Jorge Zepeda « Patterson y parvient admirablement.

Les protagonistes du roman consacrent définitivement la réussite de celui-ci. Steve Panata, mais Annibal plus particulièrement, investissent merveilleusement les rôles de personnages principaux. Jorge Zepeda Patterson extrait ses héros de l’œuvre fictionnelle ; l’on s’éprend, tout au long du récit, pour la personne attachante d’Annibal ; à aucun instant, il ne cesse d’habiter le lecteur.

Marc Moreau et Steve Panata se sont connus, il y a dix ans, lorsque ce dernier intègre, en 2006, la firme belge Ventoux « pépinières légendaires de professionnels » ; ce dernier sera préféré au premier, pourtant plus ancien et non moins talentueux, pour succéder au leadeur historique de l’équipe. Moreau fera abnégation de son talent pour le succès du champion, et encore dix ans après, au sein de l’équipe Fonar.

Pour autant, les deux coéquipiers, au parcours et d’origine sociale très différents, sont comme deux frères :

"Je me demande…si la profonde amitié qui finirait par unir nos vies n’était pas née de cette alliance initiale fondée sur la protection mutuelle. Nous étions éblouis l’un par l’autre…Steve avait grandi dans du coton…au Nouveau-Mexique. Ses parents avaient…encouragé son obsession pour le vélo…il les avait toutes remportées (les compétitions)…Je devins ce que je suis, poussé par les circonstances, comme tous ceux qui s’appellent pas Panata ; j’ai fini par être un cycliste – comme d’autres finissent …employés de bureau…En revanche, Steve était de ces êtres humains dont l’avenir est la conséquence d’un dessein tracé à l’avance… Il trouvait que ma situation de quasi-orphelin était une débauche de liberté…"

(P.14-15)

L’auteur éprouve les sentiments d’amitié, d’amours, de fidélité entre ces deux garçons, ceux d’Annibal, surtout, qui pense, pour la première fois après dix années de loyauté, trahir son ami et lui « ravir » la victoire. Mais peu importe, au fond : Patterson crée un personnage extraordinairement attachant.

Tous sont du même niveau émotionnel : méprisables, généreux, amusants, grossiers, émouvants, ambigus souvent, mais rarement tièdes.

Enfin, l’auteur a effectué un travail précis pour citer tel village, un endroit moins connu en France. Comment aurait-il pu en être différemment, au risque de ruiner la qualité d’un roman policier bâti autour du commentaire des étapes du Tour de France ?

L’intrique est talentueuse, le réalisme assuré, l’atmosphère exprimée.

Bonne lecture,

Michel BLAISE © 2019

1) A 22 ans, durant ses années de régiment, Marc Moreau fut ainsi surnommé par la presse régionale. Le colonel Bruno Lombard avait formé une jeune équipe de cyclistes dans laquelle il l’intégra. Remarqué pour ses "penchants pour la montagne", les médias le surnommèrent Annibal «  » du nom du général punique qui avait entraîné son armée à travers les Pyrénées et les Alpes à dos d’éléphant pour attaquer la Rome antique.

2) Gregario (cyclisme) : terme de cyclisme sur route qui désigne un type de coureur dont l’objectif principal, voire exclusif, est d’aider le leadeur d’équipe à atteindre ses propres objectifs sportifs. Il a pour rôle d’aider le coureur en lui apportant de la nourriture et de l’eau mais également à lui changer de vélo en cas de crevaison ou autres problèmes mécaniques. Il est également sollicité pour aider son leader à réussir son échappée en prenant ses relais ou en "cassant" le rythme des concurrents. (Source Wikipédia)


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