lundi 24 juin 2019

"Dette de sang", Kevin Wignall


                    
                                    Policier/Thriller psychologiques


Cette fiction incarne autant le genre policier que le  thriller psychologique.  

Quelque part en Angleterre, la richissime famille Ben Hatto, le père, Mark, la mère et leur fils Ben, 17 ans, sont cruellement assassinés à leur domicile. Pendant ce temps, Ella, l’aînée, étudiante à l'université, est en vacances en Italie en compagnie de son petit ami, Chris. 


Alors que ceux-ci, assis au soleil dans une petite ville de Toscane, se délassent à l'heure de la passeggiata (1) à la terrasse d'un estaminet, Ella aperçoit brusquement un type qui  les a suivis durant tout leur séjour transalpin.  Déterminé, armé, celui-ci s'approche, tire sur l'homme qui s'apprêtait à exécuter Ella. Mark savait sa famille menacée ; il avait  engagé Lucas, ancien tueur à gages reconvertit en garde du corps, pour veiller sur sa fille.


C'est alors que se succèdent moult péripéties, par rails et sur les routes, de Florence en Angleterre, en passant par la Suisse chez Lucas, qui recueille un temps les deux adolescents. C'est finalement auprès de son oncle, Simon, le frère de Mark, de sa tante Lucy et de ses petits cousins, que la jeune Lucy résidera désormais après avoir su, rapidement, la tragédie subie par les siens.


Aidé par Lucas, avec lequel elle demeure secrètement – au grand dam de la police  -  en relation, Ella, originellement adolescente jeune et innocente, se mue en riche héritière impitoyable pour traquer, contre vents et marées et surmontant ses doutes, les coupables et venger sa famille, surtout son petit frère Ben, jusqu'au dénouement de cette affaire, singulièrement surprenant …  





Kevin Wignall, écrivain britannique, est né à Bruxelles en 1967. Il a passé de nombreuses années dans l'armée tout en poursuivant des études de sciences politiques et de relations internationales. Après la publication de nombreuses nouvelles policières,  il est devenu écrivain de métier avec son premier roman "People Die", publié en 2001. Il n'a cessé d'écrire depuis : "who is Conrad Hirst" (2007), sélectionné pour le Edgar Award et le Barry Award ou encore Dark Flag (2010). Son dernier roman, traduit en Français, s'intitule "L'homme sans passé" (2017).


"Dette de sang" -  qui sera publié en France par Amazon Media, le 2 juillet 2019 - est la traduction de la version originale anglaise du titre "The Hunter's Player," (suivre ce lien) "adapté" pour le cinéma américain en 2017 (The Professional). Mais, l'ouvrage « the Hunter’s Player est lui-même une édition révisée, précédemment publiée sous le titre " For the Dogs", adaptée également au cinéma, sous la même appellation dans les années 2013.


Regarder le film ("The Professional") "adapté" du roman préalablement à la lecture de celui-ci surprend le lecteur. Sauf, l'idée originelle et quelques orientations ou situations, le livre est profondément différent du cinéma. Dans le roman traduit en français, il est précisé : ..."dette de sang" a été porté à l'écran par Jonathan Mastow…" Il faut cependant lire "inspiré" et non "adapté".


Ce point méritait d'être précisé quand on sait le parcours de cette fiction que nous venons de décrire. Certains commentaires prétendent même que « For the Dogs" (également intitulé : la prière du chasseur !...)   " aurait pris, subtilement,  des références,  en partie, à "la chanson des Nibelungen"(2),   et, d'autre part, au  livre "persuasion" de Jane Austen…. » (Sic)…


"En un mot, comme en cent, rien ne se créé, rien ne se perd, mais tout se transforme", y compris les titres des œuvres, écrites ou cinématographiques, modifiées  au fil des différentes versions sans aucune cohérence eu égard aux divers scénarios.


Cela dit, si la thématique de "dette de sang"  laisse un sentiment de déjà lu, la conduite et l'aboutissement de son intrigue, ainsi que la  psychologie des personnages principaux, Lucas et Ella -  les personnages secondaires ne sont présents que pour les besoins du récit  -  est captivante.  Elle sauve le défaut d'originalité du sujet. Le dénouement, plus particulièrement et à plusieurs titres, s'avère autant déroutant et surprenant que digne d'intérêt. C'est ainsi que Kevin Wignall compose des personnages dont la profondeur est indéniable. Il est cependant dommage que l'auteur n'ait pas su aller plus avant dans l'analyse de celui d'Ella - au contraire de Lucas - dont le résultat donne, à certains égards, "un sentiment d'inabouti" et de frustration.


Lorsque Lucas, l'ancien tueur à gages reconvertit en garde du corps, se prend d'affection pour Ella, décide d'aider celle-ci dans sa quête de vengeance, l'auteur nous permet de mieux comprendre pourquoi il a mis un terme à son activité de tueur : regagner  la confiance perdue de son ancienne amie, Madeleine, vivant à Paris avec leur fille qu'il n'a pas connue.  Lucas, tout au long du récit, ne ménage ni son temps ni sa peine pour la rencontrer. Toute l'évolution de sa relation avec Ella et les décisions qu'il prend pour l'aider (ou pas) jusqu'à celles aux conséquences les plus graves, sont intimement liées à son histoire personnelle ; Kevin Wignall sublime la personnalité du "héros" : un homme fascinant, solitaire, cultivé, qui lit beaucoup et qui retient ses émotions. Nous apprenons, au fil de l'histoire, ses motivations diverses. Ella n'a été que l'occasion qui lui a permis de parvenir à ses fins d'homme repenti, à réaliser ses désirs, et surtout à prendre conscience de ses propres déficiences :


"…mais il ne pouvait lui offrir ni réconfort, ni compassion, tout simplement parce que ses sentiments là, il ne les avait pas. Et pourtant, être à portée d'oreille de cette détresse, lui donnait le chair de poule, parce qu'elle le confinait à ses propres limites…" (P.56).


La personnalité d'Ella, en revanche, évolue,  très vite,  trop rapidement. L'auteur n'a pas exploré suffisamment l'aspect psychologique.  La modification drastique de sa nature donne le sentiment d'un manque d'inspiration parfois et de quelques faiblesses dans l'élaboration du roman. Le choc dont elle a été la victime ne peut expliquer à lui seul  que l'étudiante insouciante, aimable et aimante devienne la "daronne impitoyable", jusqu'à cette fin surprenante évoquée précédemment.   


L'écriture est simple, mais très correcte. L'on peut regretter, mais il s'agit ici d'un défaut évident de traduction, quelques imperfections qui n'altèrent pas, cependant, le plaisir de la lecture.


"Dette de sang" est un roman divertissant et très  agréable. 


Bonne lecture,

Michel.     #DetteDeSang #NetGalleyFrance





 1) Tradition italienne : Aussitôt rentré du boulot, on change vite de tenue pour aller se dégourdir les jambes, faire quelques courses et prendre l’air. En été, direction la côte pour faire sa passeggiata sur la plage.

2) La Chanson des Nibelungen est un poème épique allemand qui a servi de base pour « Ring Cycle » de Wagner.

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