Satire sociale - policier
TRÈS DRÔLE !
Nous sommes le matin du 27 mars 2017 à Tournon-sur-Rhône au sein de la déjantée smala Mabille-Pons : l’inénarrable, excitée et outrancière Adélaïde, la mère, infirmière ; l’accommodant Charles, le père, clerc de notaire ; six enfants (Ferdinand, l'aîné, Pacôme, Antoine, Gustave - dit Gus, le benjamin, adopté, d'origine colombienne - ainsi que deux filles, Rose et Camille ; un chien, deux chats. Ce matin même, alerte générale, le "petit" Gus, a disparu...
Nous sommes le matin du 27 mars 2017 à Tournon-sur-Rhône au sein de la déjantée smala Mabille-Pons : l’inénarrable, excitée et outrancière Adélaïde, la mère, infirmière ; l’accommodant Charles, le père, clerc de notaire ; six enfants (Ferdinand, l'aîné, Pacôme, Antoine, Gustave - dit Gus, le benjamin, adopté, d'origine colombienne - ainsi que deux filles, Rose et Camille ; un chien, deux chats. Ce matin même, alerte générale, le "petit" Gus, a disparu...
Dans
la nuit, un bureau de tabac était cambriolé. Le gérant est grièvement blessé.
Transporté à l'hôpital, il est dans le coma.
Mais où est donc passé Gus ? On
s'interroge toujours, quand - tout à
coup - on sonne à la porte. Qui est ce ? : "Personne"… Richard
Personne, inspecteur de Police, muni d'un mandat de perquisition… Gus, le
"colombien basané"(1),
est le coupable idéal et désigné...
Au
jeu "de cette famille"…, modeste mais néanmoins instruite et sagace, Marin Ledun demande à Rose - sœur aînée
de Gus et khâgneuse ("cagneuse"Page.31), toutefois "oratrice"
des "Essais" de Montaigne dans un quelconque salon de coiffure pour
dames avides de culture "sous le casque" – de conter l'intrigue, une "galère"
dans laquelle Adélaïde "s'embarque", mais certainement pas pour
"s'y taire"(2)
Marin Ledun
est chercheur en sciences sociales. Son roman, "Salut A toi Ô Mon Frère", édité, en 2018, aux éditions Gallimard – collection Série Noire - est la continuation
d'une entreprise littéraire très prolixe.
(3)
En repoussant parfois les limites des
ambiances angoissantes, ses romans relatent des intrigues sur le malaise de nos
sociétés contemporaines. Nous retenons "modus operandi", publié, en 2007 "Au diable Vauvert", "les visages écrasés" en 2011 aux éditions du Seuil. Il est également l'auteur de nombreuses
nouvelles, de romans pour la jeunesse, de divers essais, de pièces
radiophoniques ainsi que d'adaptations cinématographiques.
En publiant "Salut A Toi Ô Mon Frère", Marin
Ledun n'a nul donc besoin d'une gloire usurpée ; indiquer que cette fiction
est une petite merveille est amplement suffisant.
Exercé au
genre du roman social noir plus particulièrement - "les "visages
écrasés" par exemple - Marin
Ledun n'a pas ménagé sa peine pour nous offrir cette fois-ci une œuvre plus
singulière et légère, mais non moins estimable.
Pour autant,
"Salut A Toi Ô Mon Frère" n'appartient
pas formellement à la catégorie policier ou "noir", en ce sens que les
règles et les "codes" y sont incertains, voire approximatifs ou
inexistants. Néanmoins, Marin Ledun
ne ruine, à aucun moment, le plaisir de notre
lecture, bien au contraire.
Il est inutile de s'étendre sur
l'intrigue. Elle ne propose aucune surprise. L'auteur entreprend de dénoncer des situations et des comportements sociaux dans cette adorable comédie très drôle,
corrosive, acerbe parfois - aux jeux de
mots "jamais laids", mais toujours délectables et désopilants - mettant
en scène une police de pieds nickelés, une famille enflammée, solidaire et aimante
laquelle, la mère à sa tête, engage une bataille, littéralement corps et âme, pour sauver le petit dernier, bouc émissaire plénipotentiaire.
Le racisme, la police et ses déviances, la bourgeoisie – "où allons-nous, si le moindre péquenot
notaire de province peut porter plainte contre Gus" (P.127) - la rumeur et les raccourcis des foules
haineuses, la bêtise, l'intolérance – "Un papillon, c'est
jamais qu'une mite qui aurait pris de l'acide" - les institutions plus généralement, sont
stigmatisés par Marin Ledun au moyen
d'une écriture alerte et "verte", mais néanmoins scrupuleuse, et
astucieusement drôle. L'auteur n'est pas avare de références culturelles : de
références aux "Essais" de Montaigne aux images du cinéma de Kubrick, il
cite quelques vers d'Aragon :
"Montaigne, c'est carrément le summum du porno chic. C'est l'Eyes Wide Shut(4)
de la prostate…" (P.164)
"Sur le chemin du retour, j'essaie de me souvenir des premiers vers de
Nous dormirons ensemble d'Aragon. Que ce soit dimanche ou lundi, soir ou matin,
minuit midi, dans l'enfer ou le paradis…" (P.117)
Les personnages du roman, autant que
les situations, sont réalisés "sur mesure" : Adélaïde, la mère,
infirmière, haute en couleurs et "déjantée" est capable du meilleur
et du pire pour défendre sa famille, jusqu'à s'enchaîner au grilles du
commissariat sous les yeux ébahis du pataud divisionnaire Boyer, entamer une
grève de la faim et soulever la population jusqu'à la libération de son petit
Gus " bon comme la romaine"
(P.46). Charles, le père,
clerc de notaire, plus accommodant et discret, incapable de réussir l'examen de
notaire, essaye vainement de calmer les véhémences de sa femme. Les enfants
sont, pour la plupart, de brillants étudiants (philosophie, mathématiques), à
l'exception d'Antoine apprenti boulanger exploité par son employeur. Rose, Rock
en roll du matin au soir, tombe amoureuse de Personne, le lieutenant aux yeux
"verts pêches" (sic), aux
grand dam de sa mère désespérée par cette liaison transgressive… Quant au
chien, il semblerait qu'il "chipe" les magazines pornos… Quid
des deux chats ?, on ne se sait pas... Un authentique "bordel" dans
cette famille agitée, mais de laquelle émane, en permanence, humour et amour
sous la plus de Marin Ledun.
L'on pourrait reprocher à l'auteur -
certaines critiques le font, ici et là -
trop de lieux communs et de propos manichéens autour d'une comédie
contrainte par les "nouvelles" conventions sociales et la prétendue constance des
relations sociales : les riches, les bourgeois, la police, les institutions
sont systématiquement décrits comme les "oppresseurs" des plus
humbles. Ce reproche est pertinent et non dénué de bon sens. D'autant que, emporté
par sa fougue, Marin Ledun ne se
limite pas à dénoncer simplement des faits objectifs. Sa sensibilité
"rousseauiste" le rattrape parfois ; pour autant, son propos n'apporte
aucune plus-value au message essentiel : "c'est tout de même monotone…une vie de portail, coulisser dans un sens,
puis dans l'autre, tout ça parce qu'un imbécile heureux a inventé un jour le
concept de propriété privé …"
(P.263).
"Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; ... il n'y a que les petits hommes
qui redoutent les petits écrits" a écrit Beaumarchais. Marin Ledun ne prendra donc pas ombrage de cette brève critique, parce
que c'est malgré tout une merveille qu'il nous offre avec "Salut A toi, Ô Mon Frère". Sa démesure est même plaisante, parfois. Le
roman n'est pas une thèse académique ou
universitaire, mais une satire sociale, et donc une caricature selon les
"règles" et les "codes" indispensables à celle-ci.
Et c'est très bien ainsi ! Marin
Ledun nous a offert, de la sorte, une adorable comédie aigre-douce, mais
superbement drôle, autour d'une belle famille sortie de nulle part.
Michel BLAISE© 2019 #BePolarSalutAToiÔMonFrère
Michel BLAISE© 2019 #BePolarSalutAToiÔMonFrère
1) Un "mexicain basané" n'aurait
pas été honni. (Pour dire que l'on peut passer des "Bérus" à Marcel Amont sans
distinction de générations !,
2) Selon la
mythologie grecque, "s'embarquer pour Cythère" signifie avoir un rendez-vous galant généralement pour la première
fois. Vénus avait pour surnom Cythère, car née sur le rivage de Cythère dans une île de la mer
Egée, haut lieu de culte d'Aphrodite. L'embarquement
pour Cythère, synonyme d'un voyage au
pays de l'amour viendrait d'un tableau de Watteau signé en 1717 qui
représente des couples d'amoureux sur le point de partir pour l'île d'Aphrodite
; il s'agissait, également,
d'embarquements de galériens pour Cythère :
"Regagner
Cythère, leur port d'attache,
Était pour eux, une impossible tâche...
(Aristide, créateur d'un site internet aux fins de promouvoir l'amour romantique). https://short-edition.com/fr/auteur/aristide-1
Était pour eux, une impossible tâche...
(Aristide, créateur d'un site internet aux fins de promouvoir l'amour romantique). https://short-edition.com/fr/auteur/aristide-1
3) Marin Ledun vient de publier, aux
mêmes éditions, le 2 mai 2019, "la
suite" des aventures de la famille Mabille-Pons, lien : "La vie en
rose"
4) "Eyes wide shut" : ("Les yeux grand fermés") est
un film
britannique-américain réalisé, produit et coécrit par Stanley
Kubrick, sorti en 1999. Il s'agit du dernier film du cinéaste, qui mourut
avant que le montage final ne soit terminé. Le scénario est fondé sur la
nouvelle d'Arthur Schnitzler publiée en 1926.
Drame érotique et
mystérieux, l'histoire narre la nuit d'errance du Dr Bill Harford dans et
autour de New York. Voulant d'abord tromper sa femme
— elle-même tentée par l'adultère —,
il assiste à une orgie sexuelle, dont il est chassé.
Il découvre alors l'existence d'une société secrète liée aux événements et aux
personnages qu'il a rencontrés. Dépassé, il retourne auprès de son épouse, sans
que leur problème soit résolu. (Source Wikipédia).
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