samedi 10 septembre 2022

 


                                                 Littérature anglo-saxonne







"Quiconque s'avise d'atténuer notre solitude ou nos déchirements agit à l'encontre de nos intérêts et de notre vocation". (Emile Michel Cioran).

Nous sommes en octobre 1966 à Nottingham en Angleterre. William Lavery, dix-neuf ans, frais émoulu de l'école d'embaumeurs, a obtenu son diplôme.

Comme son père Paul, décédé d'un cancer lorsque son fils était âgé de 12 ans, et son grand-père avant lui, William, pour autant déjà merveilleux choriste à la satisfaction de sa mère, s'apprête à rejoindre l'entreprise familiale de pompes funèbres sous le patronage du frère jumeau de Paul, l'oncle Robert et l'associé et amant de celui-ci, Howard.

Pourquoi William ne chante-t-il plus, pourquoi décide-t-il de rompre tout lien avec sa mère, Evelyn, et son meilleur ami, Martin, qui l'a protégé, contre tout et tous, et s'est sacrifié pour lui, un certain jour à l'internat ?

À l'occasion de la fête d'entreprise destinée à intégrer William, une triste nouvelle parvient par télégramme d'Aberfan (1), pays de Galles : la conséquence d'un glissement de terril qui a enseveli une école et les enfants.

William décide de s'y rendre et d'exercer, sa première mission, sur ses lieux de désolation.

Ce terrible séjour va percuter de plein fouet l'horizon et un lointain avenir de William.

Jo Browning Wroe est titulaire d'une maîtrise en écriture créative de l'Université d'East Anglia et supervise l'écriture créative au Lucy Cavendish Collège de Cambridge. Son premier roman, « Une terrible délicatesse » (Les Escales 2022) - A Terrible Kindness-, se place parmi les 10 meilleures ventes du Sunday Times et sélectionné pour le prix Bridport Peggy Chapman-Andrews.
L'ironie du sort veut qu'elle a grandi dans un crématorium à Birmingham.

Les commentaires et avis que l'on émet après la lecture d'un roman se doivent, autant que possible, de faire l'économie d'impressions personnelles sans lien avec l'œuvre, au-delà d'elle-même, en se bornant, avec un savant mélange d'objectivité, mais de subjectivité indispensable, d'apporter une appréciation sur son message et son environnement.

Il n'en demeure pas moins que dès lors que l'auteur a restitué aux lecteurs son récit, celui-ci ne lui appartient plus. le lecteur peut y trouver un écho ou un retentissement singulier dans la situation ou le monde dans lequel il vit ou bien, il a vécu.

Le rôle du lecteur est essentiel dans « Une terrible délicatesse ». Avec lui, les personnages principaux, notamment ceux de William, Martin et Evelyn, prennent chair dans son imagination pour, en définitive, échapper à l'auteur.

Aussi, le raccourci est étonnamment rapide lorsque nombre de critiques, y compris professionnelles, analysent l'œuvre comme un roman initiatique, en ce sens que la catastrophe d'Aberfan aurait permis à William de pardonner et d'accéder à la rédemption.

Mais n'allons pas trop vite…

Depuis ses neuf ans, quand sa mère le laisse à l'internat des choristes, William s'est embourbé entre son désir de chanter, pour satisfaire sa génitrice égoïste, et son attirance pour le métier d'embaumeur et l'amour pour son oncle Robert - son nouveau symbole paternel - et son ami, et associé Howard, au grand dam de sa mère.

Dès lors, pourtant animé des meilleures intentions de réconciliation, William, tiraillé entre les deux clans, ne prendra pas toujours les meilleures décisions face à une mère possessive, angoissante au plan affectif, immature, égoïste et homophobe. (Anachronisme mis à part).

Ce qu'il a fallu d'amitié et d'amour désintéressé à oncle Robert et Howard pour satisfaire aux vœux de Paul sur son lit de mort :

« Veille à ce qu'il reste ensemble, Robert, s'il te plait, maintiens le lien entre eux ».

Ce qu'il a fallu d'amitié et d'amour, d'abnégation, et d'affections pures et inconditionnelles à Martin pour pardonner à William après tant d'années d'absence autant que les terribles humiliations de William infligées à l'internat vingt-ans auparavant.

Mais cela n'est pas un symptôme du stress post-traumatique d'Aberfan, mais la conséquence du comportement d'une mère égoïste et mal aimante devant son fils, William, pétri de peur, d'incertitudes et de maladresses.

C'est en revanche la rupture d'avec sa fiancée Gloria, à laquelle il ne voulait pas donner d'enfants, après le traumatisme vécu à Aberfan, qui a induit le refus de William de donner des enfants à celle-là :
« je l'ai quittée parce que j'ai pensé que c'était la chose la plus généreuse que j'ai pu faire » - ce que Jean Racine a voulu écrire par : « si je la haïssais, je ne la quitterais point » (Phèdre).

Mais la tragédie du roman cesse là…

« Une terrible délicatesse » est un excellent livre de la rentrée littéraire 2022 - dont on parle peu - autant sur le fond que sur la forme, en premier lieu, mais aussi parce que c'est un roman qui aborde la question de la masculinité et qui prend le contrepied du débat actuel.

je le conseille sans aucune réserve.

Bonne lecture.


Michel.


1 - Dans le petit village minier d'Aberfan, au sud du pays de Galles, le temps est brumeux en ce matin du 20 octobre 1966. Il est 9 h 15, les enfants de la Pantglas Junior School sont assis en classe. À midi, ils seront en vacances pour une semaine. Soudain, alors qu'ils suivent le cours sur le tableau noir, c'est un épais nuage noir qu'ils voient s'abattre sur eux par la fenêtre. Une avalanche de terre pulvérise le bâtiment et les ensevelit en moins de cinq minutes à peine.
Sur les 144 victimes de la catastrophe, 116 sont des enfants.
Ce matin-là, l'un des terrils de la mine locale a subi un glissement de terrain. Les mineurs ont vu comme une vague se soulever du sol et foncer vers le village en contrebas.

Un tas de déchets miniers entassé au fil des années sur la montagne, atteignant 40 mètres de hauteur. L'eau, agissant comme un lubrifiant, a entraîné la désagrégation du terril


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